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quelques années encore de la condescendance d’autrui ses propres colonies, il pourra attendre la venue d’un temps où le bon droit ne serait plus réduit à toujours plier devant les forts, et où il lui suffirait pour sa défense d’être évidemment le bon droit ; ou peut-être encore attend-il que se levé quelque grand vent d’orage qui, passant sur les hautes futaies, courbe les grands chênes et rouvre aux arbres plus humbles l’accès de l’air libre. En mettant les choses au pis, le Portugal, isolé dans le monde et qui se souvient de l’abandon où il fut laissé, gagne au moins au renouveau de l’alliance la protection momentanée de son ennemie la plus dangereuse : il est des heures où, pour les faibles, la seule politique possible consiste à être l’ami de qui les peut écraser.

Quant au jeu de l’Angleterre, les événemens en indiquent assez le sens et le but.

Le Portugal est un instrument de sa politique. En Europe, en Afrique, l’alliance de ce petit Etat, qui dispose de bons ports et qui ne saurait les fermer, qui a des territoires sur toutes les mers du globe, peut lui être, à un moment donné, d’un très utile secours. Les événemens de l’Afrique du Sud et le passage des troupes anglaises par Beïra en ont été une première preuve. La rupture des relations diplomatiques entre le Portugal et la Hollande, au moment même où l’alliance était proclamée à Lisbonne, et où la reine Wilhelmine s’apprêtait à recevoir le président Krüger, est encore un indice du genre de bons offices que le gouvernement de Londres attend de son allié. Mais on peut supposer que de plus graves éventualités ont été prévues dans les pourparlers entre le Foreign-Office et le ministre portugais à Londres : l’idée d’un conflit possible avec la France obsède depuis longtemps l’esprit de quelques-uns des hommes d’Etat de l’impérialisme. Il serait peut-être curieux, à ce point de vue, de rapprocher le voyage récent de M. Chamberlain à Malle et à Home de la proclamation de l’alliance anglo-portugaise. Pour consolider la domination britannique dans le bassin occidental de la Méditerranée, l’appoint du Portugal pourrait être très utile ; il pourrait aider à obtenir de l’Espagne certains avantages depuis longtemps désirés : un dépôt de charbon aux Baléares, un autre près du détroit, et, le détroit franchi, quelque nouveau Gibraltar en Galice. La rade de Lisbonne serait d’ailleurs précieuse, en cas de guerre, pour les escadres anglaises : elles commanderaient de