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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/104

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Le paganisme ne met pas l’homme en présence du définitif. Il ne scelle pas sur nous, mortels, la dalle du ciel comme une dalle de plomb. Il ne pose pas le problème du déterminisme et de la liberté. La liberté seule existe. Car Dieu n’a pas achevé l’univers en une seule fois et ne varietur. La trame des choses est toujours sur le métier et reste toujours inachevée. Zeus n’est pas un dieu froid, un dieu parfait, sans erreur, sans retour et inaccessible. Il a ses passions, ses défaillances, ses vices, parfois ses ridicules. Et, malgré tout, il garde la majesté suprême, parce qu’il possède la faculté qui fait de lui un dieu et le premier des dieux : l’Intelligence.

L’Anglais. — On a les dieux qu’on mérite. La mythologie est un tableau sur lequel la Grèce s’est peinte elle-même. Mais ce n’est pas cette religion qui a créé la Grèce ; c’est plutôt la Grèce qui a créé ses dieux. Il faut donc chercher ailleurs.

Moi. — Pourquoi ne pas interroger tout simplement la nature ? Les rivages de la Méditerranée sont doux ; les îles s’y égrènent en chapelet, comme pour tenter le courage hésitant des premiers navigateurs ; les nuits sont claires, les crépuscules amènes, les aubes ineffables. Ce n’est pas une invitation à la paresse qui tombe de ce ciel rafraîchi par la brise marine, c’est un appel à l’activité souple et mesurée. L’air léger, le sable fin, le sol caillouteux, tout rend aisé le travail de l’homme. Là où pousse la vigne, là où les roses fleurissent, l’humanité prospère : c’est le même climat et le même habitat qu’il leur faut.

Autour de nous, la plaine nîmoise nous montre la qualité de toute la ceinture de terres qui enserre la Méditerranée. Des pampres aux grappes énormes, des pampres de Jéricho, courent jusqu’au bord de la mer. Au-dessus, la feuille grise de l’olivier verse son ombre fine ; l’amandier, le grenadier sont en fleurs ; la rose partout, et partout le mûrier. C’est déjà le pays où pousse l’oranger, celui vers lequel le monde est toujours en marche.

Autour de cette eau qui reflète un ciel qui paraît la refléter, les hommes ont vécu, dès l’aube, une vie fraternelle. Quand, aux premiers âges, les Phéniciens de Cadmus commencèrent leur navigation circulaire, leur survenue n’étonna personne : déjà on n’étonnait pas facilement les Marseillais. Quand on vit arriver les Grecs de Phocée, il en fut de même, et le chef gaulois se fit un gendre du capitaine de ces intrus. Cette ville de Nîmes n’a-t-elle pas été bâtie par une colonie d’Hellènes venus d’Egypte ?