juin 1878, au banquet de Versailles, qu’au 24 Mai et au 16 Mai, il n’avait pas cessé de compter sur l’armée.
Qu’il s’agît des lois organiques de notre établissement militaire ou des chefs qui en étaient l’espoir, Gambetta ne tolérait point les attentats ou les soupçons auxquels une politique d’utopies ou de rancunes se fût volontiers complu. C’est ainsi que, plusieurs hommes de gauche, parmi lesquels M. Henri Brisson, voulant, dès 1876, au risque de paralyser le réveil de nos forces, obtenir une réduction dans la durée du service, Gambetta s’y opposa. Il prit plus tard l’initiative d’un projet analogue, mais exigea qu’avant de diminuer les années de caserne, on assurât l’ossature de l’armée. « Sinon, déclara-t-il, vous auriez des troupeaux, vous n’auriez pas des armées. » Il multipliait ses interventions, pour que la pension de retraite des officiers fût augmentée et pour que le corps des sous-officiers fût réorganisé. Il avait un beau mot sur l’armée : « C’est une fonction sociale, disait-il, à laquelle chaque citoyen doit concourir ; » et il voulait que cette fonction, exercée par tous, fût régie par les plus dignes.
Mais les plus dignes, qu’est-ce à dire ? L’homme politique est mal situé pour les discerner : à côté des compétences professionnelles qui savent se mettre à la portée de son regard, il en est d’autres, plus éprouvées, mais plus modestes, que la fierté du caractère, redoutant jusqu’aux apparences de la flatterie, maintient dans un discret effacement. Précisément, en 1881, les sympathies de l’armée, d’autant plus éloquentes qu’elles sont muettes, mettaient leur espoir et leur foi dans un officier qui n’avait jamais cherché les avances de Gambetta, et qui, lorsque étaient venues ces avances, avait ajourné toute réponse. M. le général de Miribel avait été le chef d’état-major de M. le général de Rochebouët, et l’on savait au Parlement qu’il aimait Dieu et qu’il aimait la vieille France, — deux archaïsmes assez imposans encore, apparemment, pour que leur culte parût un péril et presque un crime. La République, quoi qu’en eût dit Gambetta, ne ressemblait guère à celle d’Athènes que par une soif d’ostracisme : le chef du « grand ministère » détestait cette ressemblance-là ; gardant toujours devant ses yeux l’image fascinante de la « marche de tous les partis, en 1871, sous les couleurs nationales, » il refusa d’appliquer à M. le général de Miribel la loi des suspects, l’appela, d’autorité, dans un poste d’élite, et devint suspect lui-même.