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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/163

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licence dans la revue les États-Unis d’Europe, toujours publiée à Genève. On y parlait avec une si audacieuse netteté, qu’entre 1873 et 1876, les frontières de la France furent fermées à cette revue, à laquelle s’intéressaient, pourtant, quelques membres de notre Parlement ; mais c’était l’heure où nous nous occupions de concentrer et de restaurer nos forces, où l’admirable diplomatie de M. le duc Decazes, de M. le duc de Broglie, de M. de Gontaut-Biron, imposant silence aux frémissemens du Chancelier de Fer, protégeait efficacement notre relèvement ; au cours d’un tel travail, les chimères que nous proposait l’internationalisme genevois et les sommations qu’il nous adressait ressemblaient à des semences d’anarchie. Fauvety, en avril 1872, reprochait franchement à Gambetta de vouloir une France armée, et nous invitait à cette abstention, à cette réserve, à cette expectative, dont la République américaine donnait l’exemple : notre histoire, nos gloires, nos désastres même, passaient inaperçus pour Fauvety ; nous étions une république, et l’esprit abstrait du publiciste, l’un des philosophes les plus écoutés de la maçonnerie, cherchait à travers le monde des républiques sœurs, sur lesquelles nous devions obligatoirement nous régler. Henri Martin, ayant eu la témérité, en 1874, de prononcer le mot de revanche, fut blâmé par les États-Unis d’Europe.

Cette revue, et les congrès dont elle était l’organe, surveillaient d’assez près notre politique intérieure elle-même. On affirmait, dès 1878, que « notre armée était peuplée de Jésuites ; » et l’on distribuait l’éloge ou le blâme à nos chefs militaires, qui probablement n’en avaient souci ; car les lois de l’avancement, sous le règne de Gambetta, n’étaient point subordonnées aux caprices de la presse. Le soldat idéal, pour le périodique franco-suisse, c’était certain lieutenant-colonel dont nous tairons le nom, et qui, dans un ordre du jour adressé à son régiment, déplorait Les barrières internationales, menaçantes pour la paix universelle, et appelait de ses vœux la constitution des Etats-Unis d’Europe. Des officiers, l’on passait aux députés ; on publiait avec insistance, à leur usage sans doute, l’opinion fort autorisée d’un correspondant de Francfort, qui recommandait à notre République le système des milices, la séparation de l’Église et de l’Etat et la laïcité de l’instruction, et l’on nous promettait en son nom qu’en dix ans, si nous l’écoutions, nous aurions moralement conquis l’Europe ; on félicitait le peuple français, au congrès de