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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/174

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Mais ces incidens, si graves qu’ils fussent, n’eurent qu’une médiocre influence sur les rapports de la maçonnerie française avec les maçonneries étrangères. Un publiciste maçonnique fort écouté, et d’autant plus influent parmi ses Frères qu’il était peu connu des profanes, était, à lui seul, entre le Grand-Orient et le reste du monde, comme un perpétuel garant d’amitié : nous voulons parler d’Hubert, directeur de la Chaîne d’Union. C’était un personnage fort curieux, et par certains traits il était touchant. Il avait, de 1851 à 1853, occupé le poste de secrétaire du Grand-Orient ; deux années lui avaient suffi pour que le nombre des « planches » échangées entre le Grand-Orient et les divers ateliers devînt à peu près vingt fois plus considérable. Les suspicions de l’Empire l’amenèrent à quitter cette fonction, mais il se voua tout entier à la maçonnerie, allant jusqu’à faire des frais d’érudition pour rendre plus pressantes les déclarations d’amour dont il la comblait. « J’aime les colonnes des loges, écrivait-il un jour, comme Antée aimait la terre où il puisait l’énergie nécessaire pour surmonter tous les obstacles. » Il disait une autre fois qu’il ne voulait pas d’autre femme que la maçonnerie. Il pardonnait tout à cette maîtresse, même d’être désobligeante pour le Grand Architecte : lorsqu’en 1877, Dieu fut supprimé, Hubert regretta le départ d’un aussi grand nom, mais il resta maçon et bon maçon. Vénérable ou membre d’honneur de plus de quatre-vingts loges, il rendait de si précieux services et s’attachait si pieusement à perpétuer en toute sa pureté l’esprit de son église, qu’en 1879 plusieurs pasteurs et quelques fidèles, — je veux dire plusieurs vénérables et quelques hommes politiques, — lui voulurent offrir une belle récompense. On acheta les bijoux nécessaires, et toutes les loges parisiennes organisèrent une « réunion extraordinaire et solennelle, » qui fut un triomphe pour Hubert. Il y avait là Cousin, président du Conseil de l’Ordre ; Antide Martin, conseiller municipal, et Poussier, son collègue ; Duhamel, secrétaire général de la présidence de la République ; Heredia, le futur député ; M. Desmons, le futur sénateur ; d’illustres excuses furent lues, celle de Floquet, celle de M. Barodet. C’est le chevalier d’éloquence de la loge Isis-Montyon qui prit la parole, pour rendre hommage à Hubert ; il le félicita d’avoir pour idéal « de n’appartenir exclusivement ni à une loge, ni à une obédience, ni même à une nationalité maçonnique, mais d’être le maçon de tous les pays comme de tous les rites. » Tel était, en effet, l’idéal