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d’Hubert ; malgré les déceptions de 1870, dont le souvenir. parfois, amenait sur ses lèvres des effusions semi-patriotiques, il planait volontiers au-dessus des chicanes des liturgistes et des chicanes des nations ; et la tiédeur des Écossais à l’endroit de la rue Cadet, ou celle des Français à l’endroit de l’Allemagne, étaient une souffrance pour son cœur, large comme le monde.

On vit, après la guerre, certaines loges comme les Philanthropes réunis, de Paris, l’Aménité, du Havre, l’Anglaise, de Bordeaux, prendre des délibérations solennelles pour rompre tous rapports avec les puissances allemandes : la maçonnerie italienne, fidèle gardienne de l’internationalisme maçonnique, blâma sévèrement ces votes d’intolérance, et Caubet, tout en n’ayant pas le courage de s’associer à ce blâme, le déclara « conforme à la vérité des principes maçonniques. » Hubert, avant l’intuition des périls que couraient ces principes, suivit dans son journal la plus savante des tactiques. La Chaîne d’Union rechercha, quelque temps durant, les noms des loges allemandes qui avaient établi des ambulances, et publia nombre d’anecdotes volontairement émouvantes : tantôt l’on y voyait des Français prisonniers ou blessés se reconnaître frères en maçonnerie du médecin allemand qui les soignait et bénéficier de cette réciproque reconnaissance ; tantôt l’on y voyait les exigences des réquisitions ou les âpretés du pillage atténuées ou réparées au nom des principes maçonniques et en faveur des Frères en maçonnerie. Par cette suite d’historiettes édifiantes, Hubert, lentement, déplaçait la question. Les Frères de France, fortement choqués, en tant que maçons, de l’esprit d’exclusivisme national des Frères d’Allemagne, laissèrent de côté, sans la trancher formellement, la question, posée au couvent de 1872, des rapports officiels avec les puissances maçonniques d’outre-Rhin ; ils continuèrent, en fait, d’adresser aux « Frères » d’Allemagne les publications maçonniques françaises, qui demeuraient lettre close pour la presque-unanimité des Français ; et, sans paraître le moins du monde offusqués que la maçonnerie allemande ne leur rendît point la politesse et gardât pour elle ses propres publications, ils se demandèrent entre eux si l’on pouvait, dans les loges françaises, accueillir des membres de nationalité allemande.

Les loges, çà et là, se chargèrent de répondre par des faits accomplis.