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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/195

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tous les livres humains. Elle n’a pas en soi un caractère sacré, mais elle nous est sacrée parce que la vraie religion y est enseignée. Sachons, en effet, ce que signifie le mot « sacré. » Rien, considéré hors de l’âme, ne peut être appelé sacré ni profane. Cela est sacré et divin qui peut porter à la piété, et tout objet semblable restera sacré tant que les hommes s’en serviront dans une intention religieuse. Moïse brisa les Tables de la Loi parce qu’elles avaient perdu leur caractère sacré du jour où elles n’étaient plus observées. La Bible ne demeure sacrée que pendant qu’elle inspire des sentimens de piété ; si elle cessait de les inspirer, elle ne serait plus pour nous que du papier et de l’encre.

Mais, si on prend l’Écriture pour ce qu’elle est, un guide de la vie morale, sous cet aspect, elle n’est plus ni trompeuse, ni corrompue, ni mutilée. Les objections de l’exégèse, si graves dans le point de vue opposé, sont ici insignifiantes. Car, à qui comprend à moitié, un demi-mot suffit. Dans l’ordre de l’intelligence, nous comprendrions encore la géométrie d’Euclide, quand même nous ignorerions presque tout de l’auteur et des fortunes diverses de l’ouvrage. De même, dans l’ordre du cœur, il y a en nous quelque chose qui répond aux paroles de l’Écriture, qui les pressent et obscurément les devance. « Aimez Dieu et le prochain, » cette parole ne peut être apocryphe, elle ne peut résulter d’une erreur de plume ni d’une trop grande précipitation. Il en est de même des maximes morales qui en découlent. Je les trouve dans la Bible, mais je les trouve en moi. « Accumulons les fautes, dit Spinoza, supposons le texte de la Bible mille fois plus corrompu qu’il n’est en réalité, sur quoi, en définitive, pourront porter les altérations ? À mettre les choses au pis, sur quelques circonstances ajoutées à une histoire, à une prophétie, pour exciter davantage la dévotion populaire ; sur quelques miracles inventés pour déconcerter les philosophes ; sur quelques dogmes imaginés pour justifier telle ou telle théorie particulière. Il importe peu au salut que de telles choses aient été altérées


Il faut avoir le courage de dire des dogmes la même chose que des cérémonies et des lectures sacrées. Ils ne sont pas tous essentiels à la foi. On ne trouve dans l’Écriture aucun des attributs éternels de Dieu, et les hommes ne sont pas tenus de les connaître. La connaissance de Dieu est un don de Dieu et