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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/235

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril.


Sommes-nous à la veille de la grève générale des ouvriers mineurs. Il serait, au moment où nous écrivons, difficile de le dire ; mais assurément on a fait tout ce qu’il fallait pour y conduire. Sans le vouloir, nous en sommes convaincus. Les chefs du parti socialiste et les principaux meneurs des ouvriers ne tiennent nullement à la grève générale ; ils aiment mieux en parler toujours sans y croire ; mais ils trouvent des gens qui y croient et qui finissent par s’entêter de cette idée dangereuse et fausse, devenue pour eux une panacée. La grève générale aura-t-elle donc lieu ? C’est ce que le référendum auquel on procède en ce moment nous apprendra peut-être. Mais, que la grève générale soit proclamée ou qu’elle ne le soit pas, qu’elle éclate tout de suite ou plus tard, qu’elle soit immédiatement réalisée ou ajournée, un très grand mal aura été fait. Lorsqu’on a lancé une machine à toute vapeur et qu’elle a acquis par son mouvement même une vitesse et une force nouvelles, il est le plus souvent impossible de l’arrêter tout net à un détour du chemin. Elle grince, rugit, souffle éperdument, et n’en continue pas moins quelque temps sa route, à moins qu’elle ne culbute. C’est un peu ce qui arrive à propos de la grève générale. Nous voulons espérer qu’elle n’aura pas lieu, du moins tout de suite ; mais la pensée en restera dans l’imagination des ouvriers jusqu’au jour de l’explosion finale. Il en est un peu de ces épouvantails comme de l’esprit malfaisant que le magicien évoquait autrefois et soumettait à son service, puis dont il ne pouvait plus se débarrasser, parce que, s’il savait le mot pour l’appeler, il ne savait pas ou avait oublié celui qui servait à le congédier. Et l’esprit continuait de faire des siennes devant le magicien impuissant. Les événemens de Montceau-les-Mines sont, à quelques égards, une réédition de ce vieux conte.