Nous n’avons pas parlé depuis quelque temps de la grève de Montceau, parce qu’elle se prolongeait dans les mêmes conditions, avec le même caractère et la même physionomie. Mais, depuis quelques jours, des faits nouveaux se sont produits, et c’est sur eux que toute l’attention s’est concentrée pendant la dernière quinzaine. Malgré leur misère, malgré leurs souffrances, les grévistes se sont obstinés dans la cessation du travail. Une grande espérance les soutenait : on leur avait fait croire que le prolétariat français faisait cause commune avec eux, et que, s’ils étaient une troupe d’avant-garde, l’armée tout entière était prête et résolue à marcher à leurs côtés. Dès le premier moment, on a fait miroiter à leurs yeux, comme une ressource infaillible, la grève générale qui leur assurerait des forces d’une puissance incalculable. La classe odieuse des capitalistes devrait finalement se soumettre, car, si elle ne le faisait pas, ce n’était pas assez de dire qu’elle serait bientôt obligée de se démettre ; les choses ne se passeraient pas d’une manière aussi douce ; et la voix enflammée des orateurs qui entretenaient les courages et les illusions des grévistes faisait retentir à leurs oreilles le tocsin de la révolution sociale, dernière raison du prolétariat contre une société maudite et condamnée. Pendant longtemps, les ouvriers de Montceau-les-Mines ont cru à ces promesses, à la fois violentes et puériles, et qui n’en convenaient que mieux à leur état d’esprit. Le Congrès de Saint-Étienne a été pour eux une première déception. Ils en attendaient la proclamation de la grève générale, avec cette confiance naïve, toujours trahie et toujours renaissante, dont ils ont déjà donné tant d’exemples. Mais le congrès de Saint-Étienne, tout en proclamant en principe la grève générale et même beaucoup d’autres choses, s’est contenté de renvoyer l’affaire à un congrès futur, qui déciderait de la suite à lui donner. On menaçait d’ailleurs les pouvoirs publics des pires catastrophes, s’ils ne trouvaient pas un moyen quelconque d’assurer aux ouvriers, dans un délai restreint, les satisfactions qu’ils exigeaient. Lorsque la nouvelle de ces résolutions évasives et dilatoires est arrivée à Montceau-les-Mines, elle y a produit un grand trouble. Eh quoi ! attendre encore ! attendre toujours ! Alors M. Maxence Roldes et les orateurs de la grève, ouvriers de la parole qui ne travaillent que lorsque les autres chôment, ont expliqué aux ouvriers qu’ils venaient de remporter une immense victoire, dont les résultats, pour n’être sensibles que dans quelques jours, n’en seraient que plus éclatans. Les ouvriers ont dû opérer comme un report de leurs espérances à une date ultérieure. Entre temps, les délégués de Saint-Étienne sont allés trouver M. Waldeck-Rousseau,