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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/241

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jours, les ouvriers n’ont pas satisfaction, c’est encore le gouvernement qu’ils menacent de la grève générale, car cette épreuve, grave pour tout le monde, le serait particulièrement pour lui. La perspective en est bien faite pour lui causer de sérieuses préoccupations. Mais ce n’est pas tout : les ouvriers s’adressent aussi au gouvernement, pour qu’il impose aux Chambres l’obligation de voter telles et telles lois déterminées. Ce sont eux qui rédigent sommairement ces lois ; on pourra, si l’on veut, en modifier le texte, mais non pas l’esprit, ni surtout le but. L’œuvre législative s’élabore désormais dans les chantiers ou au fond des mines, à moins que ce ne soit dans les cafés et dans tous les lieux de réunion où les entrepreneurs de grève fournissent aux ouvriers des prétextes, des idées et des programmes. On dira peut-être que c’est là un légitime usage de la liberté, et que tous les citoyens ont le droit de faire à travers le pays œuvre de propagande, en vue de disposer l’opinion à certains résultats déterminés. C’est un droit sans doute, mais la manière dont on en use appelle des réserves. Si les ouvriers se contentaient de préparer, pour les élections de l’année prochaine, le succès de leurs idées ou la défense de leurs intérêts, il n’y aurait rien à dire. On pourrait combattre leurs illusions et leurs erreurs, mais leur action politique serait régulière et correcte. Est-ce là ce qu’ils font ? Point du tout. Ils envoient aux Chambres, par l’intermédiaire du gouvernement, des sommations péremptoires. Il faut qu’elles votent telles et telles lois, dans tel ou tel délai, — et avons-nous besoin de faire remarquer combien ridiculement court est ce délai ? — sinon, c’est encore et toujours la grève générale, et, pour eux, la grève générale est la préface de la révolution sociale. Véritable chantage, fait d’exigences impérieuses et de menaces, que les ouvriers essaient d’exercer sur tous les pouvoirs publics, et en particulier sur les Chambres. Depuis l’époque où celles-ci étaient matériellement envahies par des bandes qui leur apportaient les prétendues revendications du peuple, on n’avait rien vu de pareil. Le procédé d’aujourd’hui est moins brutal dans la forme ; dans le fond, il est le même, et il y a dans son emploi comme un avant-goût de ceux qui viendront plus tard. N’a-t-on pas parlé déjà, à plusieurs reprises, et l’autre jour encore à Montceau, d’exodes ouvriers ? Les ouvriers quitteraient en masse les lieux de leur travail abandonné, pour venir à Paris, et qu’y feraient-ils ? De l’agitation et de l’intimidation.

Voilà où nous allons. Si la situation actuelle est inquiétante, elle reste confuse ; mais, à travers cette confusion, certains traits commencent