l’activité des affaires, studia inertia, umbratilia. Naturellement il attire à lui les personnes qui ne sont pas faites pour agir, que séduit le calme et le repos, et celles aussi qui n’aiment pas à se donner de la peine, car ce n’est pas véritablement travailler que de rester tranquillement chez soi, à réfléchir et à rêver. Aussi Quintilien se croit-il en droit de définir la philosophie : une paresse impertinente, pigritia arrogans. De graves intérêts étaient donc engagés dans cette polémique qui nous semble futile ; au fond, Quintilien y représentait le retour aux traditions anciennes et la protestation du passé contre les doctrines nouvelles.
Les opinions de Tacite ressemblent beaucoup à celles de Quintilien ; seulement il les exprime avec beaucoup plus de modération. Il n’a point de haine personnelle contre les philosophes. Loin d’approuver Domitien de les avoir bannis, il dit que c’était la proscription même de la vertu, et qu’en le souffrant, Rome a donné un grand exemple de patience servile. Quoique peu sympathique à Sénèque, il a fait un beau tableau de ses derniers momens ; il parle avec respect de Thraséa et d’Helvidius Priscus, mais, au fond, il n’est pas de leur parti. Un passage de la Vie d’Agricola nous donne sa pensée véritable. « Je me souviens, dit-il, de l’avoir entendu souvent raconter que, dans sa première jeunesse, il avait conçu pour la philosophie un goût plus vif qu’il ne convient à un Romain et à un sénateur, mais que la prudence de sa mère modéra cette ardeur exagérée. C’est que son âme, naturellement élevée et enthousiaste, se portait avec plus de passion que de discernement vers tout ce qui offrait les apparences de la gloire. Bientôt l’âge et la raison le calmèrent, et de l’étude de la sagesse il retira, ce qui est très rare, la mesure dans la sagesse même. » En regardant de près ce passage curieux, on y trouve exprimés, avec une finesse et une discrétion remarquables, tous les reproches que Tacite adresse à la philosophie. On voit d’abord qu’il ne mettait pas la modération et la mesure parmi les vertus qu’elle inspire à ses adeptes. Ce n’est pas qu’ils lui semblent, comme à tant d’autres, des mécontens incorrigibles ; il ne prend pas à son compte la phrase qu’il prête à un délateur à propos du stoïcisme : « Cette secte ne produit que des ambitieux et des brouillons. » Mais il pense que l’habitude de partir de principes inflexibles et d’en tirer des conclusions rigoureuses peut communiquer à l’esprit quelque chose de raide, de cassant,