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sous-ordre. Sa parole réveille, remue, secoue tous ces hommes ; elle prescrit de trancher dans le vif et d’exterminer les résistances. Cette plaie de guerre civile qui saigne encore au flanc de la République, il veut à tout prix la cicatriser et y porter le fer rouge.


III

Le parti chouan releva le défi et accepta la lutte. Tandis qu’en Maine-et-Loire, dans le Morbihan, la Manche et l’Orne, les hostilités reprenaient avec quelque vivacité, les agens anglo-royalistes de Paris se considéraient comme l’avant-garde de l’insurrection occidentale et tâchaient d’établir une concordance de mouvemens. Ils avaient reconstitué un organe central, une agence, une sorte de gouvernement occulte, qui avait l’Angleterre pour banquier ; ce comité comprenait des hommes de tête et des hommes de main : le chevalier de Coigny, Crenolles, Joubert, l’abbé Ratel, Hyde de Neuville, et tout un groupe de jeunes gens déterminés. Ceux-là ne reculaient devant aucun moyen. Comme ils voyaient la Révolution s’absorber en un homme, ils arrivèrent tout de suite à se dire que, le monstre n’ayant plus qu’une tête, ils le tueraient en frappant cette tête. Le traîtreux coup de poignard n’entrait pas dans leurs desseins, mais l’idée d’attaquer en troupe le Consul assez mal gardé, de l’enlever et, au besoin, de le tuer dans une espèce de combat, naissait en eux ; il importait toutefois que ce coup à tenter coïncidât avec un grand progrès dans l’Ouest, avec la livraison de Brest ou de Belle-Isle aux Anglais, avec une descente de troupes étrangères, avec l’apparition d’un prince, afin que le royalisme fût à portée de faire tourner à son profit la suppression de Bonaparte.

Ainsi, d’enragés partisans se préparaient déjà à pousser une entreprise de chouannerie en plein Paris ou aux portes de Paris, sur le chemin de ce domaine de Malmaison où Bonaparte allait chaque décadi se reposer et prendre un jour de congé. En attendant, ils entamaient contre lui une guerre d’escarmouches, développaient tous leurs moyens d’agitation et de propagande. On a supprimé leurs journaux ; ils font circuler une feuille clandestine. Une brochure se répand, sortie de leurs officines : La Vérité au Corse usurpateur. Leur jeu est de montrer que la Révolution aboutit maintenant au despotisme d’un homme ; les Français n’auront-ils pas honte de préférer à l’autorité paternelle du