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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/357

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Où la fraîcheur du soir balsamique circule.
Chaque cime s’agite et soupire. Et, soudain,

La lune au ras des toits émerge, nue et ronde,
Et, pensive, élevant son urne, épanche à flots
Sa lumière tranquille et toujours inféconde
Sur le groupe tremblant et svelte des bouleaux.

Toute l’ombre en reçoit la bleue et douce averse,
Et les feuilles du bois vaporeux et songeant
Forment sous cet azur fluide qui les berce
Une mouvante échelle aux échelons d’argent.

Et moi, courbant mon front mouillé, battu des branches.
J’écoute, l’âme ouverte à cette tendre nuit.
Dans les bosquets baignés d’obliques nappes blanches,
Le vent mystérieux dont la traîne bruit.

Car c’est l’heure où la vierge aérienne chasse
Dans le jardin profond rempli de sa pâleur,
Tandis qu’émané d’elle, ô charme ! et par sa grâce,
Le vaste clair de l’une enchante ma douleur.

V


Goûte, me dit le Soir de juin avec douceur,
Goûte ma reposante et secrète harmonie.
Et forme tendrement ton âme et ton génie
Sur le ciel dont je viens avec la Nuit ma sœur.

Regarde-nous marcher au bord de la colline
Comme un couple inégal de beaux adolescens ;
Sur mon épaule, avec des gestes languissans,
La Nuit, lente à me suivre, en soupirant s’incline.

Respire les parfums frais et délicieux
De toute l’herbe en fleur que nos pas ont foulée ;
Fonds-toi dans l’ombre bleue où ma sœur étoilée
Disperse les lueurs tremblantes de ses yeux.

O poète ! voici la grâce et le mystère :
Accueille-nous, demeure avec nous jusqu’au jour,
Car c’est pour féconder ton rêve de l’amour
Que le Soir et la Nuit descendent sur la terre.