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Qui entreprendra de déterminer les physionomies variées de chacune de nos provinces et de ces races dont les aspects si fermes et si fidèles à eux-mêmes, subsistent, malgré le mélange et la confusion moderne, perpétuant le caractère distinctif des familles dispersées, jadis, à la surface du sol gaulois ?

Le Normand robuste, sensé et couvert ; le Breton brave, droit et Imaginatif ; l’Orléanais, intelligent, piquant et fin ; le Tourangeau jovial, matois et sage ; le Vendéen lent, lourd et loyal ; le Poitevin grave, indolent et satisfait ; le Limousin rustique, tardif et hiérarchisé ; le Périgourdin sagace, modéré et curieux ; le Bordelais actif, extérieur et bon enfant ; le Gascon loquace, tapageur et habile ; le Nîmois ardent, insinuant et prompt ; le Provençal ingénieux, retors et froid ; le Dauphinois prudent, inventif et rude ; le Lyonnais appliqué, technique et mystique, l’Auvergnat robuste, laborieux et âpre ; le Bourguignon aisé, plaisant et diligent ; le Comtois judicieux, finaud et disert ; l’Alsacien courageux, calme et solide ; le Lorrain réfléchi, hésitant et souple ; le Champenois poli, aimable et résistant ; l’Ardennais ferme, court et sûr ; le Flamand fort, froid et rassis ; le Picard vif, vaniteux et imprudent ; le Français de l’Ile-de-France, enfin, — leur maître à tous, — adroit, beau diseur et rusé, l’Ulysse d’une race où les Achilles ne manquent pas : ce sont là autant de types très différens qui se fondent pourtant en un type unique d’un caractère intellectuel, moral et même physique fortement marqué, le provincial.


Mais le provincial n’est pas toujours rural. Il est aussi urbain. Installées au bord des rivières, debout au défilé des montagnes, inscrites au flanc des coteaux, étalées à l’orée des vallées fertiles, les villes apparaissent, nombreuses, à chaque détour de route, bourgades, bourgs, cités et métropoles, noircissant l’air de la fumée des locomotives et des usines.

En vérité, elles ont été les maîtresses du pays, du jour où, prenant la royauté pour alliée, elles se sont emparées des hauteurs et ont découronné les collines de leurs châteaux forts. Dans un pays mamelonné, le château crut tenir la plaine ; mais, dans ce même pays, vallonné, les villes, grimpant aux collines, ont bousculé les seigneurs. Elles règnent depuis des siècles. Les grands rois, comme Philippe le Bel, Louis XI, et Louis XII, traitaient leurs bourgeois de « compères. » Richelieu travaillait