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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/384

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pataugé dans une quantité de choses qui étaient de vraies misères, et bataillé avec des hommes pitoyables. » Il a gardé pourtant sa sérénité : « C’est que j’étais bien pour les autres dans la pratique des affaires, mais que, pour moi, je me tenais tout à fait en dehors, et ne m’y mêlais qu’afin d’observer. »

Entré à la Chambre avec ce seul dessein : observer, le docteur Provido Siliprandi est un des rares députés qui, pendant leur législature, n’y aient jamais perdu leur temps. Être absent, quoique présent, être là pour le compte d’autrui, mais non pour son propre compte, il paraît que c’est, après le premier feu, le parti auquel se résolvent les sages ; et c’est ainsi, en écoutant patiemment déraisonner les raisonneurs, que William-Gérard Hamilton, — Hamilton « à l’unique discours, » — écrivit son piquant traité de la Logique parlementaire. Un si illustre exemple l’encourageant, M. Siliprandi a regardé de tous ses yeux, écouté de toutes ses oreilles ; il a vu, il a entendu ; et, comme ce qu’il voyait et ce qu’il entendait ne lui plaisait pas, il est sorti pour le dire crûment. Il est sorti désabusé, désillusionné à fond, et sans esprit ni espoir de retour. « À peine est-il besoin de faire remarquer, ajoute-t-il, que l’auteur, en publiant ce livre, a renoncé forcément à toute ambition personnelle, y compris celle, si modeste qu’elle soit, de redevenir député. Toute bornée que peut être son intelligence, elle ne l’est pas au point qu’il ne comprenne que quiconque aujourd’hui ose dire en Italie certaines choses qui sont dites ici brûle ses vaisseaux, et que tout avenir politique, au sens privé et utilitaire du mot, lui reste à jamais fermé. Pis encore, il s’expose à la haine, et peut-être à la vengeance. » Mais, de cela, il n’a cure, parce que, d’abord, il est d’un naturel placide ; parce qu’ensuite il s’est cuirassé de dédain ; et parce qu’enfin un sentiment l’anime qui est plus fort et que l’intérêt et que la crainte, qui est l’amour de son pays, vainqueur et destructeur de l’amour de soi-même :


Amor mi muove che mi fa parlare.


Ce qu’on voit à la Chambre italienne est donc bien terrible ? Mon Dieu ! à la Chambre française, et dans presque tous les parlemens d’Europe, d’Amérique et du monde, on en voit à peu près autant ; et quant à nous, sur ce point particulier, voici une quinzaine d’années que nous relevons les mêmes symptômes, posons le même diagnostic, et dénonçons le même mal. Chez