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on verse dans le romantisme politique. Il ne sert de rien, en ce cas, que le système prenne des airs scientifiques à force de rigueur logique : au contraire, plus la logique en sera rigoureuse, plus elle sera dangereuse, si le point de départ est faux, c’est-à-dire si le point de départ n’est pas le fait, le fait national et social, donné par l’histoire pour cette nation précisément et précisément pour cette société.

C’était, au premier chef, du romantisme politique, que de vouloir transplanter dans l’Europe continentale, et en particulier chez les peuples latins, la constitution elles institutions anglaises qui n’y étaient pas transplantables, pour cette seule raison qu’elles n’avaient pu se développer en Angleterre que par un concours de circonstances dont presque aucune ne se retrouvait nulle part en dehors de l’Angleterre. D’une pareille extravagance il devait naître et il ne pouvait naître que ces formes politiques néo-latines, étrangement hybrides, mêlées de théories modernes aventureuses et de vieilles institutions décadentes. C’était encore du romantisme que de prétendre tirer une doctrine politique des élucubrations métaphysiques de la philosophie du siècle dernier. On en devait extraire et on ne pouvait en extraire qu’une lourde pâtée de mots, faite surtout de deux ingrédiens : liberté et égalité, auxquels on s’avisa d’ajouter aussi la fraternité comme condiment. Pour appeler les choses par leur nom, de la rencontre, de la conjonction de ces deux genres de romantisme politique, il devait sortir et il ne pouvait sortir que « le parlementarisme » dans le domaine des lois, et, dans l’ordre des idées, que « le libéralisme. »

Jamais illusions plus nobles, mais jamais impossibilités plus grandes ne furent conçues et poursuivies par les hommes. Le parlementarisme, avec son idéal de deux partis compacts, disciplinés, hiérarchisés, et tous deux, au reste, parfaitement constilutionnels et loyalistes, ayant leur personnel et leur programme, se faisant équilibre et se succédant au pouvoir, accomplissant l’un ce que l’autre n’eût ni pu ni voulu accomplir, et le second, à son retour, respectant ce qu’il n’eût pas voulu faire, mais qu’avait fait le premier ; le libéralisme, avec son stock d’adages et d’images, la liberté pourvoyant à tout, suffisant à tout, politiquement et économiquement, qu’il s’agît de passions ou d’intérêts, l’infaillible liberté, agissant à coup sûr, même par des voies détournées, contenant et donnant la solution de tous les problèmes,