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nouveau et se précipite finalement à terre sous forme d’un globule opaque, spongieux, de la grosseur d’un pois, dont le faible choc est impuissant à endommager un végétal le plus souvent abrité sous la neige. Le grésil, sans être inconnu dans les plaines de l’Europe moyenne, y tombe quelquefois en hiver, mais à intervalles assez rares. Rares aussi sont les observatoires et les observateurs, et on conçoit qu’un phénomène qui n’apporte avec lui ni avantages ni inconvéniens passe inaperçu la plupart du temps.

Supposons, au contraire, qu’une tempête de grêle bien caractérisée vienne désoler un canton, et qu’un savant curieux d’examiner à fond ces projectiles naturels se trouve présent sur les lieux. Il constatera d’abord que la grosseur varie beaucoup. Non seulement elle change d’un grêlon à un autre, mais, si notre physicien consulte les résultats enregistrés par ses devanciers, il pourra très bien ne pas se trouver d’accord avec ces derniers. A ceux qui leur attribuent la grosseur d’un pois, il aura le droit d’opposer, non pas des racontars exagérés, mais des observations sérieuses et récentes. Ainsi, le 2 octobre 1898, une grêle bombarde le navire français la Tempête, mouillé en rade de Bizerte : certains grêlons dépassent le poids d’une livre et atteignent presque le kilogramme[1]. Quinze mois auparavant, en Styrie, dans un pays qui jouit du triste privilège de recevoir des visites exceptionnelles de grêle, on ramasse des grêlons ayant déjà commencé leur travail de fusion, et néanmoins pesant 1 100 grammes. Ce sont là, il est vrai, des cas extraordinaires, mais, entre les dimensions extrêmes mentionnées, se rencontrent tous les degrés intermédiaires possibles. Alors interviennent divers modes de comparaison, empruntés à tous les corps arrondis qui s’offrent à nos yeux dans la vie pratique, à commencer par la noisette, à poursuivre par la noix et l’œuf de pigeon, à terminer par l’œuf de poule. Ne vaut-il pas mieux, comme font les météorologistes actuels, évaluer l’épaisseur en centimètres ? Toujours est-il que, quand la moyenne des grêlons atteint le volume d’une noix, la chute passe déjà à l’état de catastrophe historique dont le souvenir et surtout le souvenir local ne s’efface pas de longtemps.

Avant que la chaleur du soleil n’ait produit son effet liquéfiant, empressons-nous de manier un de ces globes de glace pour

  1. Cette curieuse chute eut même l’avantage de ne pas nuire aux cultures tunisiennes. A terre, ce jour-là, il ne tomba que de la pluie.