présenter le cas d’une mère qui, par considération pour les intérêts de sa fille, refuse de se remarier : le cas n’est ni invraisemblable, ni rare. Nous connaissons tous beaucoup d’exemples d’une conduite analogue à celle de Sabine. Avouerai-je que cette conduite ne passe même pas pour avoir rien d’excessivement héroïque ?
C’est à propos de la question d’argent que le drame va éclater. En choisissant ce terrain, l’auteur a été singulièrement bien inspiré. D’abord c’est pour nous un soulagement chaque fois que nous voyons la littérature dramatique sortir du domaine, — si exploré ! — de l’adultère. Romanciers et écrivains de théâtre ne se doutent pas à quel point nous sommes, en littérature s’entend, lassés de l’amour coupable. Ensuite il va de soi que, justement par souci de la réalité, le drame bourgeois doit faire à l’amour et à l’argent la place qu’ils occupent dans la vie bourgeoise, c’est-à-dire restreindre infiniment celle de l’amour et donner toute l’importance à la question d’argent qui se pose à tous, tous les jours et sous toute sorte de formes, étant la question même de la subsistance. Je n’ignore pas que les drames de l’argent ont une âpreté que les autres n’ont pas, et que le public y est assez ordinairement réfractaire ; les désordres de l’amour coupable trouvent un écho sympathique dans les âmes les plus vertueuses, tandis que les âmes les plus cupides, ces âmes de boue dont parlait La Bruyère, sont celles mêmes à qui il déplaît le plus d’entendre parler d’affaires dans une salle de théâtre, lieu de plaisir. Mais cela prouve que l’entreprise est difficile et non qu’elle ne doive pas être tentée. C’est par rapport aux questions d’argent que notre caractère a le plus d’occasions de se déterminer et notre existence de prendre sa direction : c’est donc à elles que doit s’adresser l’auteur soucieux de peindre au vrai la vie réelle. Marie-Jeanne et Didier Maravon sont mariés depuis deux ou trois ans : Didier, qui est ingénieur, a monté une usine : ses affaires semblent prospérer ; en fait, il est à la veille de la faillite. Pour éviter la culbute, il lui faudrait une somme de trois cent mille francs. Cette somme, sa belle-mère, Sabine Revel, ne peut la lui apporter, puisque toute la fortune est entre les mains de Mme Fontenais, la grand’mère. Et Mme Fontenais refuse de rien donner_ Elle refuse et par les raisons les plus raisonnables, en présentant les argumens les plus sensés, les plus sages, ceux mêmes que devait présenter une femme de son âge et qui est dans sa situation.
C’est souvent le défaut des personnages de M. Paul Hervieu, et même dans cette pièce, d’être abstraits plutôt que réels et de parler le langage de la logique plutôt que celui de la vie. Il faut faire exception