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de Bourgogne. Furieux à son tour, celui-ci allonge un soufflet au Duc de Berry, qui met l’épée à la main. Il faut les séparer, et le duc de Noailles ne parvient pas à les réconcilier, le Duc de Berry ayant jeté au feu une lettre d’excuses que lui avait écrite le Duc de Bourgogne. Ce serait alors que le Roi, pour prévenir les conséquences de cette querelle, aurait enjoint au Duc de Bourgogne de s’en revenir en poste. Voilà ce que raconte Mme Dunoyer. Nous savons aujourd’hui qu’il n’y a pas un mot de vrai dans cette histoire. Nous avons la preuve qu’il avait demandé lui-même à avancer son retour. On eut même une certaine peine à lui persuader qu’il ne pouvait manquer à s’arrêter dans la capitale de la province dont il portait le nom. Mais, à peine les fêtes de Dijon terminées, il n’y put tenir. « Comme il avoit, dit le Mercure, un empressement extraordinaire de revenir à la Cour, » le 18 avril, il entendit la messe à six heures sonnantes, et monta ensuite en carrosse avec le Duc de Berry pour se rendre aux portes de la ville. Là une chaise de poste l’attendait, il y monta, et bientôt le Duc de Berry, qui suivait en carrosse, le perdit de vue. Il ne s’arrêta en route que deux fois pour coucher, et, le 20 au matin, il arriva à Versailles. Nous avons déjà raconté, d’après Dangeau, que la Duchesse de Bourgogne avait fait porter son dîner dans la chambre de Mme de Maintenon, bien que Mme de Maintenon n’y fût pas, parce que de cette chambre on voyait dans l’avenue par où le Duc de Bourgogne devait arriver. Aussitôt qu’elle l’eut aperçu, elle alla l’attendre dans le cabinet du Roi, car l’étiquette n’aurait pas permis au mari de se rendre d’abord chez sa femme. Ils passèrent la journée en représentation, mais, immédiatement après le souper, le Roi les laissa libres de se retirer.


Voilà nos gens rejoints et je laisse à penser
De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines[1].


II

En arrivant à Versailles, le Duc de Bourgogne trouvait la situation politique singulièrement changée. Au lendemain de l’acceptation par Louis XIV du testament de Charles II, on avait

  1. Certaine anecdote, trop crue pour que nous puissions la rapporter ici, donnerait à penser que cette épouse de seize ans prenait assez facilement son parti de l’absence de son mari. Voyez la Correspondance littéraire et anecdotique de M. de Saint-Fonds et du président Dugas, tout récemment publiée par M. William Poidebard. T. II, p. 44.