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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/561

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« sincérité ; » proclamer que les uns et les autres se livrent à un pareil « travail philosophique au cours duquel les contingences s’élaguent, » et qu’ils sont, aujourd’hui comme hier, les « évocateurs savans des forces en exercice ;... » propositions qui s’appliquent d’autant mieux à plusieurs écoles qu’elles n’en définissent clairement aucune. Mais, dès qu’on quitte cette logomachie pour préciser les caractères picturaux des « jeunes » de talent, on est obligé de constater la cassure qui s’est faite. Car le réalisme était l’absence de composition, et l’impressionnisme l’absence d’effet par les masses d’ombre. Or, chez tous les jeunes artistes que le succès accueille aujourd’hui, on constate nettement une composition voulue et un parti pris d’ombres évident.

Qu’on regarde l’admirable Procession de M. Simon : ces têtes nues sous la brise de mer, ces traits fortement appuyés dans la chair des visages, ces oppositions tranchées d’ombre et de lumière, ces arabesques de draps noirs sur les surplis blancs, cette apparition d’un sentiment intérieur dû à la profondeur des arcades sourcilières, aux yeux qui se lèvent sous les fronts qui se penchent, aux bras repliés gravement sur les poitrines, et que l’on dise ce qui reste là des théories du plein air et des reflets, de la proscription du brun et du noir ?

Qu’on observe le groupe formé par les paysages historiques de M. Ménard et le portrait de M. Chevrillon, placé au milieu de ce-paysages, songeant parmi des nues, des temples, des soleils couchans, des forêts et des bœufs. Non seulement Claude Lorrain n’y est plus méprisé, mais les recettes du vieux clair-obscur y sont soigneusement remises en honneur... Combien n’a-t-on pas raillé jadis le procédé qui consiste à opposer, dans un tableau, le point le plus lumineux à son point le plus sombre pour obtenir un effet de contraste, ce procédé sans cesse employé par Gustave Doré dans ses grandes planches ? Or, il se retrouve exactement dans les deux paysages de M. Ménard, où des bestiaux bénévoles sont venus mettre leur tête rousse et sombre, juste au point où le soleil dardait son reflet le plus clair. De même, la coutume de nos vieux paysagistes, qui repeignaient leurs ciels sur leurs arbres pour y mettre de l’air, est visiblement reprise dans le paysage de droite. Et pourtant l’œuvre de M. Ménard n’en arrête pas moins tous les regards, et n’en retient pas moins toutes les pensées.

Pareillement, dans cette touchante Nuit de la Saint-Jean de