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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/563

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En même temps, on voit des survivans d’un autre âge, les Hébert, les Harpignies, sans avoir jamais abandonné leurs méthodes, reparaître en triomphateurs. Le dernier survivant de notre grande pléiade française de paysagistes influence encore les meilleurs de nos artistes et ce n’est diminuer en rien le mérite des deux toiles de M. Cabié, Un matin dans la vallée de la Vézère et un Paysage des Eyzies, que d’y voir s’y retracer encore l’enseignement de M. Harpignies. Quant au vieux maître de la Malaria, depuis soixante-deux ans qu’il expose au Salon, il est douteux qu’il y ait jamais apporté un plus merveilleux joyau. Les agitations des écoles contemporaines n’ont pas plus troublé son alchimie silencieuse que les orages superficiels de l’Océan n’agitent l’arbre de corail dans sa lente et sûre éclosion de trésors. La réaction en sa faveur, pour n’être pas bruyante, n’en est pas moins unanime. C’est encore un triomphe du passé.

Il n’est pas jusqu’à l’organisation matérielle des Salons qui ne témoigne d’un complet retour aux idées jadis les plus combattues. Des deux Salons, celui qui s’ouvre le plus largement aux débutans, celui qui contient cinq mille numéros, le Salon des Artistes français, et l’autre, qui n’a reçu que 932 toiles, quel est le plus favorable aux artistes et le plus précieux pour le public ? Il n’y a pas de discussion sur ce point. C’est le dernier, c’est l’ancien Salon du Champ-de-Mars, aujourd’hui avenue d’Antin : c’est là où la doctrine de l’élimination a triomphé et où a triomphé aussi, grâce à l’un des organisateurs, M. Dubufe, cette idée qu’accumuler des tableaux n’est pas les faire voir, et que la fatigue des yeux est un mauvais véhicule pour l’admiration. Avec le goût sûr du professionnel et l’indépendance du critique, M. Dubufe a donné, là, l’exemple de ce que devraient être les galeries non seulement des Salons, mais des musées. Au groupement alphabétique il a substitué le groupement esthétique, et à l’entassement, le choix. Mais ce choix n’a pu se réaliser qu’en fermant les portes du Salon à quantité d’artistes et qu’en ressuscitant, dans la mesure du possible, l’ancienne Académie royale. Une semblable réforme s’impose au Salon des Artistes français, sous peine de voir toute l’attention des amateurs se porter vers les petits cénacles où, dans le recueillement nécessaire à la pensée et sous un jour favorable, quelques œuvres sont exposées. C’est l’intérêt même des « jeunes » qui le veut et celui des débutans. Car le visiteur, qui voit trop de peintures, n’en regarde aucune