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s’enrôlèrent ; ils se ralliaient aux drapeaux de la République pour devenir « hussards de Bonaparte, » pour sortir aussi d’un état de désœuvrement et de suspicion ; le Consul avait déclaré qu’un acte d’engagement serait à ses yeux le meilleur certificat de civisme. Plusieurs fois, à la parade du quintidi, des pelotons de volontaires parisiens lui furent présentés ; il avait prescrit pour eux une tenue soignée, élégante, tirant l’œil, car il savait que le Français se bat mieux sous un bel uniforme.

Dans la seconde moitié de ventôse, il se fit à Paris un passage de troupes. Plusieurs demi-brigades, rappelées de Normandie, traversaient la ville pour s’y joindre à d’autres détachemens et s’en aller former la 1re division de l’armée de réserve, pour grossir la mystérieuse armée de Dijon. Le 25, Bonaparte passa en revue les troupes en partance, 13 000 hommes environ, réunis au Champ de Mars. Dans le cadre élargi, la solennité militaire prit un aspect plus imposant, plus magnifique ; le peuple s’y porta en masse et y parut tout vibrant : « on n’avait annoncé qu’une revue, et cette revue s’est trouvée une fête[1]. » Et quel empressement pour accourir sur le passage du Consul, pour l’acclamer ! En ce jour, les observateurs de l’esprit public, gazetiers et policiers, remarquent dans la foule parisienne quelque chose de fier et de gai qui ne s’est pas au depuis longtemps, un air de santé morale ; dans l’air allégé, il semble qu’un souffle vivifiant et tonique circule. Sous l’action stimulante de l’autorité, tout apparaît relevé, grandi et plus fort. Quand une salve d’artillerie avait annoncé l’arrivée du Consul à l’École militaire, un vieux soldat avait dit : On croirait, sacrebleu, que le canon tire plus fort aujourd’hui que l’année passée[2].


III

Bonaparte avait espéré d’abord que, dès les premiers jours de germinal, c’est-à-dire à la fin de mars, la campagne pourrait s’ouvrir. Sur le Rhin, Moreau commandait la plus belle armée de la République ; derrière l’Apennin, Masséna avait rassemblé les débris de l’armée d’Italie ; la Suisse toujours occupée restait le bastion central. La constitution n’accordait pas au

  1. Rœderer, VI, 404.
  2. Ibid.