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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/701

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de facultés de province, membres de l’Académie des sciences de Paris ; savans des Universités étrangères. Rien n’est mieux fait pour donner une idée des grandeurs et des misères de la vie scientifique, il y a une cinquantaine d’années. Pour toutes ces raisons, on nous pardonnera de résumer cette singulière histoire.


I

Charles Gerhardt était né à Strasbourg en 1816. Sa mère appartenait à une vieille famille bourgeoise de la cité alsacienne : son père était né à Berne. Mais le berceau de cette branche paternelle était la petite ville de Frankenthal, près de Mannheim, dans le Palatinat. Les Gerhardt formaient une lignée de brasseurs très connus dans toute la vallée du Rhin.

Le père de notre héros, Samuel Gerhardt, employé dans la banque de Turckheim, devint par la force des choses, et pour ainsi dire sans préparation préalable, industriel et usinier. Il avait commandité, dans les environs de Strasbourg, à Hangenbieten, une fabrique de céruse qui ne tarda pas à lui retomber sur les bras. Et, c’est pour cette raison qu’il voulut faire de son fils aîné un chimiste, capable de conduire cette entreprise et d’en perfectionner les procédés.

Charles Gerhardt, né de père étranger, dut, plus tard, faire régulariser sa situation pour jouir de la nationalité française. L’éducation qu’il reçut au gymnase de Strasbourg était à peu près celle des lycées, mais les méthodes d’enseignement avaient conservé quelque chose de germanique ; et, en tout cas, la langue allemande y était apprise à fond. A la fin de ses études, le jeune homme paracheva ses connaissances linguistiques par un séjour de trois années dans les écoles d’outre-Rhin. La possession complète d’une langue étrangère lui fut d’une grande utilité au cours de sa carrière. Elle lui permit de servir plus tard de trait d’union entre les savans des deux pays. Il suivait soigneusement les progrès de l’école allemande, les publications de Liebig et de ses élèves ; et, dans les recueils qu’il dirigea, tels que les Comptes rendus des travaux des chimistes étrangers, ou auxquels il collabora, comme la Revue de Quesneville, il put faire profiter les chimistes français de ses savantes analyses. Au gymnase de Strasbourg, Gerhardt eut pour condisciples Adolphe Würtz, et Emile Kopp, l’un et l’autre plus jeunes que lui d’un an et destinés à parcourir la même carrière. Le premier devait lui survivre longtemps et jeter un vif éclat sur la chimie française.