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THIERS
ET
LES ELECTIONS DE 1863


I

L’Abstention ou le refus de serment, qui eût été pratiqué en 1857 si Darimon et moi n’avions pris l’initiative de passer outre nonobstant l’opinion des anciens partis, ne fut pas même sérieusement discutée en 1863. Non qu’elle ne fût encore défendue par des autorités considérables ! De l’exil, c’était le mot d’ordre du Comte de Chambord, de Victor Hugo et Charras. Les plus instantes pressions avaient été exercées sur le Comte de Chambord par Falloux et Berryer pour qu’il accordât à ses fidèles, sous leur responsabilité, la liberté de prêter le serment ; il s’y refusait inébranlablement : un serment, quelque explication qu’on en donnât, impliquait une absolution et une reconnaissance de l’Empire, que l’honneur interdisait aux royalistes sincères. Victor Hugo ne parlait pas autrement, mais avec plus d’anathèmes, au nom de la République. Charras, par ses lettres, prêchait de ne pas abandonner la tradition loyale de son chef et ami Cavaignac. Jules Simon commentait, colportait ces lettres dans les milieux bourgeois parisiens ; Proudhon, revenu de l’exil, publiait une brochure contre les assermentés.

Quelques légitimistes, quelques républicains se conformèrent au mot d’ordre de leurs chefs : en général, c’étaient ceux qui n’avaient nulle chance d’élection. Quiconque en entrevit une ne les suivit pas. Que, dans le parti légitimiste, Falloux fût de ce nombre, il n’y avait pas de quoi surprendre, car il était en état