si bien, son premier discours s’adressât à l’Empereur et aux hommes d’État et non à la multitude. Ce n’est jamais en menaçant qu’on obtiendra quelque chose. Je tiens pour assuré que si notre ami se donne la peine de prouver qu’il n’est pas antidynastique (et je crois fermement qu’il ne l’est pas), il obtiendra dix fois plus pour le bien du pays et la vraie et saine liberté que par les plus éloquens discours adressés à la foule[1]. »
La bourrasque recommença après que Persigny eut été fait duc. Thiers y vit une approbation des attaques naguère dirigées contre lui dans le discours de Saint-Etienne. « Mais pas du tout, lui répondit Mérimée par Cousin, l’Empereur a été très étonné que le discours de M. de Persigny l’eût blessé, car il n’avait fait aucune attention aux phrases agressives dont notre ami s’est ému. Cette susceptibilité, que je comprends d’ailleurs, devrait bien engager notre ami à ménager celle des autres. S’il fait quelque chose pour cela, on en sera reconnaissant. Je suis convaincu que, du moment où l’on aura la preuve que notre ami ne désire que l’amélioration de ce qui existe, il sera écouté avec intérêt et faveur[2]... Quant au titre de duc, il n’a aucune signification. Le fait est que nous aimons beaucoup nos amis, que nous les aimons même quand ils nous font du mal. Nous croyons ne faire tort à personne en leur donnant quelque chose qui ne coûte rien à personne et qui ne préjudicie en rien à personne. Nous avons été bien surpris d’apprendre qu’il y avait des gens difficiles à qui cela ne plaisait point. Jamais on ne saura à quel point nous sommes bons et toujours prêts à sacrifier nos intérêts aux fantaisies de nos vieux amis. Voilà l’exacte vérité. Cela n’en est pas moins fort triste[3]. »
Thiers ne se laissa pas convaincre. Ce fut bien pis quand il apprit que Persigny serait invité à Compiègne : « C’est toujours lui qui gouverne ! » dit-il à Cousin qui renonça à le calmer. Mérimée abandonna aussi la partie : « Votre lettre de dimanche me fait un peu peur. Il me semble que vous désespérez de notre ami et que vous renoncez même à le prêcher. Serait-il possible que cet embaumement splendide fût la cause de sa mauvaise humeur ? Alors c’est à l’homme que notre ami en veut, non à sa politique qui est morte et bien morte. Je crains que les libéraux