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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/836

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REVUE DES DEUX MONDES.

Avec quelle joie nous recevons la nouvelle de son retour ! Pelliot, le plus jeune des volontaires, est adoré de tous, et nous lui pardonnons ses emballemens en raison de sa jeunesse et de sa bravoure. Mais, c’est égal, je l’aurais volontiers privé de dessert ce soir, si nous en avions eu nous-mêmes. Il ne nous est même pas possible d’immoler autre chose qu’une vieille mule, pour fêter le retour de cet enfant prodigue, — prodigue de courage et d’insouciance.

Il a été, un peu malgré lui, dit-il, conduit près du général Jong-Lou, qui la longuement interrogé sur nos moyens de défense, nos ressources, nos vivres, nos munitions, etc. ; après quoi, on lui a donné une escorte chargée de le ramener au camp français, et de le… protéger contre les Boxeurs.

À la suite de cet incident, je recommande aux hommes de ne pas se fier aux amabilités des Chinois, et de me prévenir de tous leurs mouvemens, afin d’éviter les surprises ou les trahisons.

La chaleur est insupportable ; mais nous sommes surtout incommodés par les mouches, les moustiques et les puces ; le parc encore vert est un paradis pour toutes ces petites bêtes que les flammes ont chassées de partout. La nuit, quand nous pouvons nous reposer, nous étouffons si nous dormons la figure couverte, nous sommes dévorés si nous nous découvrons. L’odeur des cadavres en putréfaction est bien gênante aussi ; heureusement les chiens, fort nombreux, se chargent de la voirie. Nous sommes obligés d’empêcher les chrétiens de les tuer, car les Chinois sont très friands de la viande du chien. J’ai vu, — sinon je ne l’écrirais pas, — nos coolies abattre un de ces animaux pendant qu’il était en train de déjeuner d’un morceau de Chinois pourri, le dépecer, et le manger à leur tour.

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20 juillet. — Le calme continue. Cependant nous entendons toujours, dans la direction de Pé-t’ang, le bruit d’une canonnade. Nos camarades se défendent encore ; d’ailleurs, tous les soldats que nous avons interrogés nous ont affirmé que l’évêché n’était pas détruit. Aucun d’eux n’a voulu se charger de porter une lettre à M. Henry ou à Mgr Favier ; ils répondent que le Pé-t’ang est entouré de troupes et qu’on ne peut pas y aller.

Le Chinois envoyé hier auprès de Mà pour demander les corps de nos matelots n’est pas encore revenu ; sa femme, en larmes, ne nous quitte plus.