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On construisait autrefois les salles en forme d’U ouvert, auquel fut substituée la courbe ovoïde ou en fer à cheval, avec rétrécissement sur l’avant-scène. L’architecte Louis remplaça le premier, à Bordeaux (1753), l’ellipse profonde de l’Italie par le cercle diminué d’un segment ; mais les places de côté étaient légèrement plus enfoncées que dans le modèle de la Scala et la saillie des balcons en corbeille produisait des résonances. Gabriel, à Versailles, Soufflot, à Lyon, préoccupés de l’acoustique, ouvrirent la scène sur une section trop petite qui rendait les loges de côté détestables pour la vue. De nouveaux types furent essayés au théâtre Montansier, place Louvois, et au Théâtre-Français (1787). Sans parler de diverses autres dispositions, et de quelques fantaisies comme l’imitation, au nouvel Hofburgtheater de Vienne, de l’amphithéâtre antique, il fut adopté, dans toutes les salles bâties depuis 1860, un tracé presque uniforme, avantageux pour l’œil et pour l’audition : un demi-cercle au fond, raccordé avec le cadre du rideau par deux courbes concaves.

Cette soudure de l’assistance aux acteurs est si ardue, elle doit satisfaire à tant d’exigences contradictoires ! A l’Opéra, par la présence d’un rang de loges sur le théâtre, la salle entre dans la scène et la scène dans la salle. Lorsqu’il s’avance au premier plan, le chanteur cesse d’être dans son décor ; qu’importe alors que la décoration soit saisissante de vérité, puisque l’acteur en sort ? A Bayreuth, avec des décors misérables, l’effet est meilleur, parce qu’il n’y a pas de proscenium.

Les exigences de l’industrie privée ont souvent obligé les architectes à utiliser des terrains presque impossibles, irréguliers et d’accès bizarre sur la voie publique,. aboutissant à répartir fort inégalement la foule dans des couloirs étroits. Ces salles de spéculation, édifiées en vue de faire beaucoup de recettes avec peu de dépenses et d’introduire le plus grand nombre possible de spectateurs dans le plus petit espace, négligeaient également l’esthétique et le confort. L’intervention du budget municipal fit faire des progrès à la construction des théâtres de second ordre ; la crainte des incendies améliora quelque peu les dégagemens.

Le feu a, depuis cent quarante ans, dévoré une douzaine de salles parisiennes : celles de l’Opéra au Palais-Royal (1763), puis à la place Louvois (1781) ; celles de Feydeau en l’an IV et de l’Odéon en 1797. En 1826, fut brûlé le Cirque-Olympique ; en 1827, l’Ambigu, où l’on venait de répéter pour juger l’effet d’un