« Associés, » le Lazari, les « Jeunes Élèves, » rue Dauphine, et les « Jeunes Artistes, » faubourg Saint-Martin. Paris possède aujourd’hui, depuis l’Opéra jusqu’au Grand-Guignol, vingt théâtres adonnés, qui à faire rire, qui à faire pleurer, qui à réjouir les yeux, qui à charmer les oreilles, à remuer des idées ou des jambes, audacieuses s’il se peut.
Ajoutez-y huit théâtres des faubourgs, sans spécialité, trois cirques, une dizaine de music-halls et autres exhibitions-promenades, plus cinquante-six cafés à musique, boites à chanson, et ‘ cabarets » méritoires, où se vendent 1 fr. 50 des consommations qui valent 15 centimes, jointes à des couplets qui, pour la plupart, ne valent rien. On dit que la vogue de ces bouges séducteurs, dont la promiscuité délectable entasse, autour de soucoupes en pyramides, des mondains et des souteneurs, porte préjudice aux théâtres. On disait la même chose, sous le second Empire, des Alcazars où florissaient les émules de Thérésa ; et « la plupart des femmes courent avec fureur aux spectacles de la foire, écrivait Le Sage au XVIIIe siècle ; je suis ravi de les voir dans le goût de leurs cochers et laquais. » Mais les grandes dames et leurs courtisans, — « boscars », dit l’argot du jour, — qui se plaisent au parfum de la vieille pipe, des haleines fermentées et de la bière aigrie, imbibée dans le sol, ne forment jamais qu’un petit groupe.
La preuve, c’est que, depuis cinquante ans, les recettes des spectacles parisiens ont quintuplé, tandis que le prix des places ne s’est élevé en moyenne que d’un tiers. De 5 millions de francs en 1848, il est passé à 10 millions en 1854, à 15 millions en 1869, à 20 millions en 1879. Il est présentement d’environ 25 millions. Dans cet intervalle, certains genres ont été délaissés pour d’autres : le mimo-drame militaire remplacé par la féerie, le vaudeville à couplets par l’opérette, l’opéra-comique par le drame lyrique ; comme avaient été abandonnés précédemment d’anciens moules vieillis : la comédie-ballet ou la tragédie aux trois unités.
Partout a progressé l’appareil théâtral, l’ensemble des moyens propres à traduire la pensée de l’auteur, à transformer un manuscrit ou une partition en une action capable d’illusionner le spectateur. Celui-ci éprouve-t-il une jouissance plus vive ? C’est peu probable. En art, on ne s’aperçoit d’un vide que lorsqu’il est rempli et d’un défaut que lorsqu’il est corrigé.