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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/854

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doivent être péniblement remontés à bras au moyen d’un treuil, on économise leur usage dans quelques théâtres, en remplaçant parfois les pains de fonte par des hommes qui s’accrochent au fil et se laissent glisser dans la cheminée.

La manœuvre des cintres est la même que celle des dessous, à cette différence près que, les rideaux descendant seuls, les contrepoids servent à remonter le décor qui doit disparaître, au lieu de faire sortir de terre celui qu’on veut offrir au public. De plus les toiles qui viennent des dessus sont flottantes, légères par conséquent et de petite dimension. Ce sont pour la plupart des « ciels, » des « bandes d’air, » des retombées de voûte, des petits « pantalons, » derrière lesquels se prépare un changement, ou le feuillage d’arbres séculaires qui retrouvent leurs troncs profilés sur les châssis de la scène. A l’exception de quelques fonds de tableau, qui mesurent à l’Opéra près de 600 mètres carrés et se replient dans leur milieu, tous les rideaux s’élèvent et descendent debout dans leur entier développement. Une perche flexible les soutient, suspendue par 10 ou 12 fils qui vont se joindre au « gril. » Ce faîte solitaire du théâtre, avec l’emmêlement de cordes qui traversent son plancher en treillage, s’entre-croisent, s’attirent et se tordent dans l’obscurité autour d’énormes pelotons de bois, semble le métier féerique d’une fileuse géante,

A chacun des six étages qui séparent le gril du « premier service, » on retrouve en descendant d’autres tambours et d’autres bis, mais ici règnent la vie et la lumière. Ce corridor du cintre, situé à 11 mètres au-dessus de la scène, est relié du jardin à la cour par le « pont du lointain. » C’est de là que sont mis en mouvement les fils isolés ou en faisceaux — « commandes » ou « poignées » — dont les bouts attendent « en retraite, » c’est-à-dire amarrés à des chevilles de bois, le moment de jouer leur rôle. Les machinistes aussi sont au repos, ou absorbés] par une partie de cartes, tandis que les notes de passion ou les roulades aiguës des chanteuses montent en spirales vers les frises, et qu’on aperçoit, par l’entre-bâillement des châssis, le corps de ballet folâtrant et pirouettant sur les planches.

Le rideau tombe ; tout le monde aussitôt est sur pied ; c’est un tohu-bohu général. Les temples sont mis en pièces, des chaumières leur succèdent ; les palais s’écartèlent, remplacés par des torrens impétueux ; les frontons s’envolent, chassés par de gros