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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/857

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invraisemblable. Servandoni imagina, sous Louis XV, de peindre des soubassemens et des colonnades sur les décors inférieurs, et de continuer sur les frises et les rideaux la suite de son architecture, qu’achevait l’imagination du spectateur.

Aujourd’hui, toutes les « plantations » sont obliques, c’est-à-dire que le « point de vue » choisi n’est jamais au milieu du théâtre, mais sensiblement adroite ou à gauche. Toute la composition est harmonisée avec ce point de vue unique, jusqu’au rideau de fond. Comme l’horizon est toujours placé très peu au-dessus du plancher de la scène, la perspective est parfaite pour les spectateurs du rez-de-chaussée ou du premier étage ; à la deuxième galerie, elle est déjà très défectueuse ; aux étages supérieurs, elle n’existe plus.

Le décorateur doit tenir compte, dans sa maquette, des emplacemens propres à placer les herses et portans de lumière ; sinon, son décor, quelque beau qu’il fût, pourrait être « inéclairable. » Un plan imprimé lui indique le rayon visuel du spectateur placé au premier rang de l’orchestre, par des lignes partant de ce point, pour aboutir aux divers plans du cintre. Il sait ainsi à quelle hauteur doivent descendre ses « plafonds. » Il étudie également son décor pour éviter les « découvertes, » — la vue des murs latéraux et des corridors, — aux dernières loges de côté. Il s’efforce en général de faire paraître la scène plus profonde qu’elle n’est réellement, parce qu’au théâtre, l’action se développe en largeur et que, souvent, l’espace manque dans les derniers plans, où d’autres décors doivent rester en place. On ne peut cependant user qu’avec réserve des moyens que donne la perspective, pour augmenter la profondeur apparente ; car, lorsqu’un acteur s’éloigne, sa taille, qui ne diminue pas, se trouverait en désaccord choquant avec la grandeur des objets représentés. Aussi la partie inférieure des décors, dont peuvent approcher les personnages, doit-elle être figurée dans ses dimensions réelles ; les « fuyans » ne commencent qu’à l’endroit où la toile est inaccessible.

Il faut à l’artiste décorateur l’expérience de l’optique particulière du théâtre, pour savoir de quelles licences, de quelles entorses aux règles géométriques il convient d’user, à quels expédiens il sera sage de, recourir : par exemple, si une façade continue était représentée sur différens châssis, ses parties ne paraîtraient concordantes qu’aux spectateurs voisins du « point