Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/875

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec des carrés d’étoffes multicolores, une collection de 15 000 planches comprenant 200 000 gravures, réunies par lui depuis sa sortie du collège et classées par matières, époques et catégories d’individus. Il mériterait par là le titre de « peintre d’histoire, » officiellement attribué à son confrère du théâtre impérial de Vienne. Vingt portraits de François Ier ou de Catherine de Médicis sont groupés dans ses cartons ; les uniformes de tous les pays, accompagnés de leur description réglementaire, y figurent côte à côte, complétés, s’il y a lieu, par une copie du Catalogue des Estampes de la Bibliothèque nationale, qui se trouve à portée de la main.

Les plans arrêtés, les maquettes exécutées, il reste à négocier avec le chanteur ou le comédien pour lui faire admettre son costume. Les femmes surtout sont intransigeantes sur les questions de coiffure, de chaussures et de corset. — « Mais cela ne m’ira pas ! » est leur argument irrésistible. Elles se refusent à porter du bleu, ou du vert, ou du jaune.

Avec les chœurs, on tombe dans l’excès contraire : une effroyable indifférence. Aux efforts du costumier qui voudrait corriger leurs défectuosités, leur donner l’apparence physique des personnages, ils opposent, en certains théâtres, une terrible force d’inertie. Mettre leurs gants, tirer leurs maillots, sont des soucis qui leur demeurent étrangers. Le choriste, le figurant, est comme un soldat en campagne ; il cherche toujours à simplifier, à fondre plusieurs accoutremens en un seul, pour s’économiser la besogne. Avant le dernier acte, il a déjà commencé à se déshabiller. Il repasse son gilet de flanelle sous la chlamyde ou le hoqueton, et ses accessoires ne tiennent plus qu’à un fil. Au baisser du rideau, la sortie de scène est une galopade effrénée vers les loges ; seigneurs, soldats et paysannes se précipitent aux escaliers, se bousculent dans les couloirs, de peur de manquer le dernier omnibus pour Montrouge ou le dernier train de Bois-Colombes.

Le monde des comparses et des coryphées, qui doivent, en quinze minutes, plusieurs fois chaque soir, se déguiser de la tête aux pieds, sauter de vingt ans à soixante ou réciproquement, de chevaliers devenir moines, ou de sultanes, bergères, gite en de vastes salles aux étages supérieurs. Les « étoiles, » même dans les petits théâtres où l’accès des coulisses est sévèrement interdit aux étrangers, — au Palais-Royal, les mères d’actrices mineures