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Hovas. en proposant un arbitrage ; et, comme le bon sens de Jules Ferry dédaigne cette façon de s’honorer, les États-Unis d’Europe déclarent, tout net, que Ferry a « tourné le dos à la République et reculé au delà de Bonaparte, jusqu’à Louis XIV. » Ce n’est point là une exagération de pamphlétaire, c’est le jugement d’une revue sérieuse, organe d’une ligue sérieuse, la Ligue de la Paix et de la Liberté, et d’une doctrine qui, sérieusement, revendique pour elle toute seule la qualification de républicaine.

Les affaires de Tunisie parurent assez graves pour que la Ligue elle-même, solennellement, au grand jour d’un congrès, prononçât, contre la France de Gambetta et de Ferry, un avertissement sévère. Hugo, dès le mois de mai de 1881, avait reçu de Florence une lettre pressante où l’élite de la maçonnerie italienne et du parti démocratique transalpin lui rappelait son idéal d’une fédération européenne et flétrissait, comme une atteinte à cet idéal, notre politique en Tunisie : on lisait au bas de cette missive, entre autres signatures, celle de M. Lemmi, le futur grand maître du Grand-Orient italien, celle d’Alberto Mario, l’ami de Garibaldi, celle d’Aurelio Saffi. Hugo fit-il usage du document ? Nous l’ignorons. Mais, quelques mois après, un autre manifeste s’élabora, portant uniquement la signature de Saffi ; il était destiné au congrès de Genève, et développait une protestation doctrinale contre la colonisation par la conquête, qualifiée d’ancien système monarchique. L’assemblée genevoise n’avait pas besoin de cet appel : Saffi prêchait des convertis. Mme Goegg, une Badoise, et M. Umiltà, un Italien, proposèrent de trancher la question de Tunisie par un ordre du jour fort incisif ; aucun des Français présens ne défendit la France ; Charles Lemonnier, tout au contraire, proclama qu’il la fallait blâmer, et que c’était là « un devoir rigoureux. » Les représentans improvisés de la démocratie universelle acclamèrent notre compatriote ; quant à notre patrie, elle apprit indirectement, par la presse italienne, la remontrance dont elle avait été l’objet.

« La Ligue, disait-on, blâme les actes par lesquels le gouvernement de la République française a porté atteinte à l’indépendance du gouvernement et à l’autonomie du peuple de Tunisie, et déplore que le gouvernement français, en méconnaissant les principes de justice et de liberté qui sont la garantie de l’existence des peuples, ait manqué à la tradition républicaine et profondément ébranlé la confiance et l’espoir de la démocratie européenne. »