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de l’imprévu, cette végétation gênée, ces sentiers où l’on ne peut cheminer deux de front, donnent bien vite la nostalgie des larges horizons, évoquent cette réflexion de Vitet : « Les lignes sont à la nature ce que la mesure et la rime sont à la pensée ; elles l’ennoblissent, elles sont la poésie du paysage. » Les Japonais ne savent pas marier ici l’ordre et la liberté.

Par exemple, dans le pays du chrysanthème, on pousse fort loin l’art de composer harmonieusement des bouquets de fleurs pour ces vases dont les formes varient à l’infini. Chaque famille un peu importante a son professeur de Rikka, qui enseigne la science de faire tenir les fleurs debout ; et ces professeurs ont écrit là-dessus de nombreux manuels. Dans leurs vases à fleurs, les Japonaises se servent presque toujours de l’eau pure ; elles ont soin de brûler l’extrémité des branches coupées avant de les plonger. Parfois encore, elles conservent les fleurs dans des vases remplis de sel. Pour mieux conduire les branches, les extrémités reposent sur de petits morceaux de bois, où l’on a pratiqué des trous. Nos Parisiennes connaissent maintenant ce procédé : quelques-unes ont aussi imité le calendrier floral japonais ; l’une d’elles, m’assure-t-on, a du papier pour chaque mois. Janvier étant la saison du jasmin d’hiver, c’est le temps du papier bleu tendre marqué de la fleurette jaune ; en février, le papier est vert nil avec des perce-neige ; en mars, crème et primevères roses ; en avril, mauve avec pluie de violettes ; en mai, vert d’eau et bouquet de muguets ; en juin, rosé avec touffe de roses ; en juillet, blanc avec lis d’or ; en août, jaunâtre orné d’un dahlia japonais ; en septembre, lilas, fleur de bruyères ; en octobre, gris perle égayé d’asters ; en novembre, gris de cendre éclairci par des chrysanthèmes ; en décembre, vert-de-gris avec des roses de Noël.

L’Allemagne ne reste pas en arrière du mouvement floral, et, là comme partout, elle apporte ses précieuses qualités d’ordre, de méthode persévérante. Depuis 1860 surtout, les établissemens royaux d’instruction horticole se fondent de toutes parts, et sous différens noms : instituts pomologiques, pépinières provinciales, cours pratiques pour les jardiniers, écoles des champs et des jardins, écoles de viticulture et d’arboriculture. Par des subventions et des récompenses honorifiques, le gouvernement les encourage avec efficacité. Les sociétés d’horticulture abondent, les unes ayant un caractère général, d’au très se groupant en fédérations plus ou moins étendues. L’Allemagne compte seize universités