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Louis XIV, qui avait entendu parler de ses créations à Vincennes, Paris et Poissy, lui demanda des plans pour Versailles, mais ne les mit pas à exécution, à cause de la dépense qu’ils auraient entraînée. On oublia Dufresny, et l’Angleterre marcha à la tête du mouvement, sans éviter d’ailleurs les épi grammes des fanatiques du style Louis XIV : « . Rien de plus facile que de dessiner un parc anglais, souriaient-ils ; on n’a qu’à enivrer son jardinier et à suivre sa trace. »

« Il n’y a qu’un bon et qu’un mauvais goût, observe Ligne, il n’y a qu’une seule musique. J’ai été longtemps à trouver mauvais qu’on dît : c’est français, c’est italien. Je voulais seulement qu’on dît : c’est bon. Je pourrais en dire autant des jardins, mais je conçois qu’il y a une espèce de convention. La simplicité, la nature et le désordre appartiennent aux Anglais, de même que les lignes droites, les percés, les grands morceaux sont aux Français. Sans décider quelle est la meilleure musique et quels sont les plus beaux jardins, je crois qu’il faut se conformer aux situations, que Jupiter ne doit pas s’égayer longtemps sur une voyelle, et que Versailles ne doit pas être comme le Covent-Garden. »

Ligne nous montre de la manière la plus spirituelle combien il est indispensable de choisir un bon guide horticole. Pendant une conversation avec Frédéric II, celui-ci ayant cité Virgile : « Quel grand poète, s’écrie le prince, mais quel mauvais jardinier ! — A qui le dites-vous ? repart le roi. N’ai-je pas voulu semer, planter, cultiver, les Géorgiques à la main ! Mais, monsieur, me disait mon jardinier, vous êtes une bête, et votre livre aussi ! Quel climat que celui-ci ! Dieu ou le soleil me refuse tout. Mes pauvres orangers, mes oliviers, mes citronniers, tout cela meurt de faim. — Il n’y a donc, sire, que les lauriers qui poussent chez vous. Et puis, il y a trop de grenadiers : cela mange tout. » Le jardinier du roi de Prusse se montrait plus familier encore que celui de Bossuet, qui grondait son maître de son peu de goût pour les fleurs : « Si je plantais des Saint-Augustin et des Chrysostome, vous les viendriez voir ; mais, pour vos arbres, vous ne vous en souciez guère. »

La floriculture reconnaît l’empire de la mode, et, chose curieuse, les mêmes fleurs, presque toujours, en vertu de cette royauté mystérieuse, font, dans les cinq parties du monde, les délices des amateurs : plus de distances, plus de frontières ; à