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atteint. A Paris même, il y a une petite colonie d’une vingtaine de lépreux dans le service du docteur Hallopeau à l’hôpital Saint-Louis. Tous ou presque tous ont contracté le germe de l’affection dans les pays lointains, à la Guyane, au Brésil, dans l’Inde, au Tonkin ou en Chine. Il y a, à Paris, d’autres lépreux encore, qui, ceux-là, ne sont point hospitalisés : employés coloniaux, qui ont rapporté la maladie de Madagascar ou de la Nouvelle-Calédonie, missionnaires, sœurs de charité ou infirmiers qui ont contracté l’affection en prodiguant leurs soins à de malheureux malades ; voyageurs de passage, enfin, qui viennent consulter ici les sommités médicales. Le docteur Besnier évalue leur nombre à 120 ; le docteur Jeanselme à 200. Tous ces cas sont d’importation étrangère : ils ne sont pas originaires de Paris même. Il n’y a pas, dans la capitale, de véritable foyer endémique où la maladie se soit perpétuée.

Mais il existe ailleurs, en France, plusieurs de ces anciens foyers mal éteints. Il y a quelques hameaux encore infectés, dans le département des Alpes-Maritimes, sur la Côte d’Azur. Avant l’annexion du Comté de Nice à la France, on trouvait des lépreux à Nice, à la Turbie, à Beaulieu, à Roquebrune et à Menton. C’étaient les restes d’une colonie lépreuse qui, d’après la tradition, remonterait à l’invasion sarrasine. Peu de temps avant de nous céder le pays, le gouvernement piémontais y fît une rafle de ces malheureux, et les interna dans l’asile spécial de San Remo. Quelques-uns échappèrent à cette opération de police sanitaire, et continuèrent à propager la maladie. En 1888, MM. Chantemesse et Moriez ont reconnu, le long de la côte, à Laghel, à Tourette, à Eze et à Saint-Laurent-d’Eze, quatre petites épidémies qui n’avaient pas une autre origine et qui ont fait périr une vingtaine de personnes.

La lèpre, qui avait été très répandue en Bretagne jusqu’au XVIIe siècle, ne s’y est pas éteinte d’une façon absolue. Des cas authentiques se produisent encore de temps à autre dans les environs de Morlaix et de Brest. Il subsiste aussi, çà et là, dans cette province, quelques hameaux ou le fléau ancien s’est maintenu sous des formes plus ou moins dégénérées et déguisées, dont le lien de filiation avec l’affection originelle est discuté et incertain ; telle cette maladie de Morvan, qui se traduit par une succession de panaris multiples, indolores, qui font tomber successivement tous les doigts d’une main.