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Norvège, vers 1842, et celles de Danielssen, en Suède, aux environs de 1848, lui en donnèrent une. Ces observateurs firent apercevoir l’unité du mal sous la variété de ses aspects. M. Hansen, en découvrant, vers 1871, l’agent infectieux, couronna glorieusement l’œuvre de ses prédécesseurs. Une ère nouvelle commençait. Plus de progrès avaient été accomplis, dans ces trente années, qu’il n’en avait été réalisé en trente siècles d’observation clinique. Avant d’exposer ces progrès récens et d’aborder cette histoire nouvelle de la lèpre, il est utile de jeter un coup d’œil rapide sur son histoire ancienne.


IV

La lèpre est la plus ancienne des maladies qui aient affligé l’humanité. Ce n’est pas la plus meurtrière, mais c’est à coup sûr celle qui a toujours inspiré le plus d’horreur. L’aspect hideux des plaies et des ulcérations qui la caractérisent ; la défiguration qu’elle occasionne dans certains cas, en infiltrant les tégumens du visage et en grossissant ses traits, de manière à les faire ressembler grossièrement à ceux d’un fauve (face léonine, léontiase) ; la déformation des membres, épaissis, dans d’autres cas, de manière à justifier, par comparaison avec ceux de l’éléphant, le nom d’éléphantiasis ; la mutilation des extrémités, dont les tissus se dessèchent et se nécrosent, entraînant la chute des phalanges, des doigts, et quelquefois de la main ou du pied tout entier, ou celle du nez et des oreilles, — tous ces traits de la maladie expliquent bien la répugnance, le dégoût et la profonde horreur dont elle n’a cessé d’être l’objet.

L’histoire de la lèpre n’est donc, en définitive, que le récit des ravages exercés par cet ennemi séculaire de l’humanité, de la répulsion qu’elle a provoquée, et des précautions plus ou moins barbares auxquelles les populations avaient recours pour s’en mettre à l’abri.


L’Egypte a été l’un des premiers foyers de la lèpre. Muench prétend qu’elle y avait été importée de l’Inde ou de la Chine. C’est sur la terre des Pharaons, en tous cas, que les Hébreux, durant leur longue captivité, en furent cruellement affligés, et c’est de là qu’ils en emportèrent le germe. C’est ce mal qui provoquait les plaintes de Job : « Ma peau ulcérée, noircie,