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III

Le premier mérite qu’il se donne, et dont il est le plus fier, c’est d’aimer la vérité et de la dire. Il fait partout profession de la chercher, il promet de l’exposer impartialement, il s’engage à parler de tout et de tous sans faveur et sans colère, sine ira et studio. Beaucoup d’autres ont fait les mêmes promesses et ne les ont pas tenues ; mais il me semble qu’avec lui, nous avons moins d’inquiétude, et qu’il y a, dans ses écrits, un accent d’honnête homme qui inspire confiance. Il n’a pas échappé sans doute aux défauts de son temps ; il a commis des erreurs de méthode, il a pu avoir des défaillances de mémoire, des préventions involontaires ; il s’est trompé quelquefois, mais personne n’est en droit de supposer qu’il ait jamais voulu nous tromper. C’est, du reste, l’opinion qu’on a généralement de lui. Seulement ceux qui, en principe au moins, rendent hommage à sa sincérité, dans l’application et le détail, sans la contester ouvertement, n’en tiennent pas toujours assez de compte, et se mettent à l’aise avec elle. Pour moi, quand ses affirmations sont nettes et précises, que, par exemple, il parle de ce qu’il a fait pour se renseigner, des ouvrages dont il s’est servi et de ce qu’il en a tiré, je tiens qu’il faut le croire. S’il dit qu’il a pris chez les historiens les faits qu’il rapporte (invenio, reperio apud auctores), je pense qu’en effet il les y a trouvés ; s’il affirme qu’à cette occasion, il en a consulté un certain nombre (quidam, alii, plerique), je ne crois pas qu’on puisse prétendre, comme on l’a fait, que ce soit un pluriel emphatique, une exagération de rhéteur et qu’en réalité il n’a eu qu’un seul auteur sous les yeux. Partir de ses assertions, quand il parle de choses qu’il a vues et qu’il a faites, et les prendre à la lettre me paraît le seul moyen, dans l’étude des sources dont il s’est servi, d’arriver à un résultat sérieux.

Quand on lit ses livres dans cet esprit, on s’aperçoit vite que c’est l’un des historiens anciens qui cite le plus les écrivains ou les documens qu’il a consultés. Il ne le fait pas par une sorte de fatuité d’érudition, comme il arrive souvent de nos jours, et pour paraître mieux renseigné que les autres, puisque nous avons vu qu’on n’en faisait pas alors un mérite à un auteur, et que par conséquent il n’en pouvait tirer aucune gloire. Peut-être se