demande, je n’hésite pas à lui dire : Dans l’acte du gouvernement, je ne vois pas seulement ce qui n’y est pas, le droit de réunion et le droit d’association ; j’y vois aussi ce qui est, la liberté de coalition. Je ne me borne pas à critiquer ce qui me manque, je remercie de ce qu’on me donne. » (Très bien ! Très bien ! Applaudissemens prolongés.)
La Chambre me fit une véritable ovation. Mes amis s’aperçurent alors que le rejet de la loi n’était plus aussi certain, et que leur manœuvre hostile pourrait ne pas réussir. Jules Simon, sous sa forme cauteleuse, exprima leur dépit à la séance suivante : « Si la loi n’a pour objet que de protéger les ouvriers qui veulent travailler contre ceux qui ne le veulent pas, elle est inutile, car la loi punit toutes les formes de contrainte et de fraude que peuvent employer les organisateurs d’une coalition. Aussi bien, ce n’est pas son but ; son but véritable est, en promettant la liberté des coalitions, de la supprimer : elle retient ce qu’elle paraît donner ; son seul changement est que la coalition s’appellera le plan concerté ; désormais on pourra se coaliser, on ne pourra pas se concerter. La loi rendra toute coalition désormais impossible. »
Cette accusation d’un homme aveuglé par la passion, d’un philosophe étranger aux notions juridiques les plus élémentaires, tombait sous les simples objections du sens commun. Le gouvernement n’avait pas besoin de faire une loi pour supprimer les coalitions : elles étaient interdites ; il n’avait qu’à maintenir le statu quo. Qui donc obligeait l’Empereur, malgré la résistance de son Conseil d’Etat, et de sa majorité, à présenter une loi sur les coalitions, s’il n’avait pas l’intention sincère de les permettre réellement ? A quoi l’eût conduit le subterfuge dont on l’accusait, si ce n’est à accroître les désirs par les déceptions ? Il faut être bien subtil pour prêter, même à ses ennemis, une aussi grossière et dangereuse fourberie. N’oubliez pas qu’à ce moment l’Empereur était tout-puissant, que d’un mot il pouvait faire rentrer l’opposition sous terre, et que personne n’était en état de lui imposer quoi que ce soit. En présentant une loi sur les coalitions, il voulait de bonne foi assurer aux ouvriers la liberté de leur travail ; il obéissait à la même inspiration de cœur qui lui avait suggéré déjà tant de mesures favorables au peuple, objet constant de ses sollicitudes affectueuses.
D’ailleurs, pour que l’Empereur pût efficacement tendre un