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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/28

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traquenard aux ouvriers, il lui fallait des complices. Moi d’abord : et à qui avais-je donné le droit de me soupçonner d’une telle duplicité et d’une telle sottise ? Il lui fallait, en outre, la complaisance d’hommes également au-dessus du soupçon, sérieux, instruits, honnêtes, les Buffet, les Chevandier de Valdrôme, etc. « Je ne doute pas de la parfaite sincérité des membres de la commission, dit Jules Simon, pressentant l’objection, mais ils se sont trompés. » — La réponse fut aussitôt sur toutes les lèvres : « Mais vous aussi, vous étiez un des membres de la commission, vous avez participé à ses rédactions, et vous n’avez pas averti vos collègues que la maladresse de leur texte rendrait impossible la liberté qu’ils avaient la loyale intention d’établir : si vous le leur aviez démontré, ils vous eussent écouté. »

Les murmures de surprise n’arrêtèrent pas l’orateur. Il eut l’aplomb d’ajouter : « On commence par un compromis avec la difficulté… Dieu nous préserve d’être jamais lancés d’un compromis avec une difficulté à un compromis avec la conscience ! » J’aurais pu le clouer à son banc en lui disant : « Qui donc a l’habitude des compromis ? N’est-ce pas celui qui, après avoir, le 8 avril, raillé « les sous-Darimon et la majorité d’Emile Ollivier, » a accepté, le 23 mai, des mains d’Emile Ollivier, une candidature et une élection ? N’est-ce pas celui qui a prêté un serment après l’avoir durant tant d’années reproché à d’autres comme une infamie ? Qui donc vient de nous faire assister à ses compromis successifs ? N’est-ce pas celui qui, à quelques jours de distance, a condamné, puis soutenu le droit commun, considéré notre loi comme un progrès, puis comme une aggravation ? »

Ce langage eût soulevé des acclamations. Mais j’avais le ferme propos de n’opposer aux attaques personnelles qu’une impassibilité dédaigneuse, de ne point assumer la responsabilité de la scission à laquelle on voulait m’obliger, et, quoi qu’on fît, de ne pas sortir de ma mission de jurisconsulte rapporteur d’une loi juridique. Je ne répondis donc pas à Jules Simon, et encore moins à Garnier-Pagès répétant mal ce que son ami avait, du moins, dit bien. Ce fut avec un sourire que j’écoutai ses dernières paroles : « Vous ne voulez certainement pas tendre un piège à qui que ce soit, mais je vous certifie que votre loi en est un. Dans l’intérêt de la majorité, dans l’intérêt de la