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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/280

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fortement dans la mémoire du lecteur, et c’est de là que l’histoire ancienne tire en partie sa popularité.

Elle est sans doute moins variée, moins large, moins riche que la nôtre, qui s’est entourée d’un cortège de sciences complémentaires, mais elle est aussi moins touffue et plus simple ; elle laisse mieux voir ce qu’elle tient surtout à montrer, ce qui est le principal objet de ses études, l’homme et ses passions. Chez elle, il est au premier plan ; rien n’en distrait et ne le voile. Nous avons vu que la manière dont elle le représente n’est pas tout à fait la nôtre. Nous insistons plus sur les qualités par lesquelles un homme diffère des autres, les anciens préféraient montrer celles par lesquelles il leur ressemble, et ne les distinguer entre eux que par des nuances et des degrés ; nous avons une tendance à les individualiser davantage, ils en font plus volontiers des types. Ces deux manières sont parfaitement légitimes, puisque l’homme est double, que par certains côtés, il s’isole dans son originalité propre, par d’autres, il se mêle à ceux avec lesquels il vit, qu’il est à la fois lui-même et tout le monde. C’est d’après le même système que, dans l’histoire des anciens, les peuples étant surtout dépeints par leurs qualités les plus générales, les plus humaines, se ressemblent davantage entre eux. Elle a, il faut bien l’avouer, un souci médiocre de ce que nous appelons la couleur locale. Chez Tacite, le Batave Civilis et le Breton Galgacus s’expriment de la même manière, et tous les deux parlent à peu près comme des généraux romains ; quand il donne la parole au roi Vologèse, rien n’avertit que c’est un Parthe et qu’il s’adresse à des satrapes. Cependant les idées qu’il leur prête sont celles qui conviennent à la circonstance ; chez nous, ils auraient parlé autrement, au fond, ils n’auraient pas dit autre chose ; le lecteur romain n’en demandait pas davantage. Et nous aussi, après tous les abus qu’on a faits de la couleur locale, nous sommes fort disposés à être moins sévères pour ceux qui n’en tiennent que peu de compte. Cependant nous demandons que, sans y mettre d’excès, on donne aux hommes et aux peuples leur façon d’être particulière, qu’on nous les montre avec leur costume, leurs habitudes, et sous leurs traits véritables. Il nous semble que cette façon de les présenter anime et colore l’histoire. Il entre, dans la conception que nous en avons aujourd’hui, un peu plus d’éclat et de mouvement que ne le comportait celle des anciens. Nous voulons trouver, dans les tableaux