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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/281

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qu’on nous trace du passé, quelque chose de plus agité, de plus bruyant, de plus tumultueux, une vie plus variée, plus intense que ne l’avaient ceux d’autrefois ; et, puisqu’on a souvent comparé les spectacles que nous offre l’histoire à ceux auxquels le théâtre nous fait assister, je dirai qu’en lisant nos historiens, nous songeons confusément au mélodrame, tandis que ceux de l’antiquité nous rappellent davantage l’attitude calme et la majesté de la vieille tragédie.

Après ce qui vient d’être dit, je puis ne pas insister sur les services que l’histoire ancienne nous a rendus. Je me contente de mentionner, en finissant, le plus important de tous. Avec ses défauts et ses qualités, grâce à la saisissante beauté des scènes qu’elle décrit, au souci qu’elle a de la simplicité, de l’harmonie, des belles proportions, de la perfection de la forme, à la part qu’elle fait à la morale, au soin qu’elle prend dépeindre le moins possible des êtres d’exception, et, en grandissant ses personnages, de leur laisser ce fond commun d’humanité qui fait qu’ils restent en communication avec nous, et que, tout en dominant la foule par leur haute taille, ils marchent au milieu d’elle, on s’explique comment elle s’est trouvée être un admirable instrument d’éducation. Depuis la Renaissance, elle a élevé toute la jeunesse du monde civilisé. On nous dit qu’en ce moment le charme est rompu et qu’on s’éloigne d’elle. Je ne suis pas sûr qu’on ait raison de le dire, et je doute que nos jeunes gens soient devenus aussi insensibles qu’on le prétend aux beaux récits de Plutarque et de Tite-Live, qui ont ému leurs pères. Ce que je sais, ce que je puis affirmer, c’est que le jour où l’histoire ancienne aura disparu de nos écoles, il y manquera quelque chose.


GASTON BOISSIER.