Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/335

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inutiles et des protestations vaines (Très bien ! Très bien ! )[1]. » Montalembert, enchérissant au dehors sur Jules Favre, déclara que « les fameuses paroles de Sebastiani furent moins douloureuses et moins inexcusables que celles de Billault. L’Empereur a une puissance que n’a jamais eue avant lui aucun gouvernement, cela lui crée des obligations aussi redoutables que sa puissance. Il ne peut pas s’abriter, comme ses prédécesseurs, dans l’inaction et dans une réserve plus ou moins sympathique. Sire, marchez hardiment, le sentiment national vous portera jusqu’aux extrémités du monde sur des ailes de flamme. Vos plus opiniâtres adversaires béniront vos armes et pleureront de joie sur vos triomphes ! » Seulement Montalembert ne veut pas qu’on croie que ces paroles d’excitation portent la guerre dans leur flanc. Il se prétend convaincu « que dans le désarroi actuel de la vieille Europe du Congrès de Vienne, et après les preuves d’irrésistible énergie et d’incontestable supériorité militaire que la France a données en Crimée et en Lombardie, l’intervention purement morale de son gouvernement produirait un effet suffisant et prodigieux[2]. »

L’Empereur marqua d’une manière significative son approbation du discours de son ministre. Il chargea l’ambassadeur russe, Budberg, d’informer Gortschacof que, quoique restant toujours étranger aux débats des Chambres, il avait fait savoir à Guyard-Delalain le déplaisir que lui causerait son interpellation. Le Tsar exprima à son tour à notre ambassadeur combien il avait été sensible à celle intervention et il loua beaucoup aussi le langage de Billault.


V

Les représentations individuelles des gouvernemens auprès du cabinet de Pétersbourg avaient été successivement rejetées. Russell, avec une audace qui eût été de l’impudence si notre crédulité n’en avait fait une habileté, proposa d’adopter contre la Russie le système de la démarche identique refusée par lui quand nous la lui avions demandée contre la Prusse.

La réponse de Drouyn de Lhuys était facile. Il n’y avait qu’à lui rétorquer ses propres argumens : Nous avons fait et nous

  1. 5 février 1863.
  2. L’Insurrection polonaise, mars 1863.