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gouvernement en Pologne constituerait une immixtion dans ses affaires intérieures, celle-là elle la rejetait. » Elle repoussait encore plus nettement la proposition d’un armistice : un armistice se conclut entre belligérans ; en Pologne, il n’y a que des rebelles et un gouvernement légitime qui les réprime.

Au reçu de la réponse russe, Drouyn de Lhuys reprit la proposition d’une dépêche ou note identique. Le cabinet anglais s’y refusa : « Ce serait une menace pour la Russie, qui provoquerait un second refus d’où sortirait la guerre, et nous n’en voulons à aucun prix. » On convint donc qu’on ne modifierait pas la méthode adoptée et que chacun enverrait sa note séparée. Tout différait dans les trois dépêches. Celle de Russell, discutailleuse, mais très calme, entre les lignes de laquelle on pouvait lire : Après tout, ça m’est égal. Celle de l’Autriche grinchue de ce qu’on eût pu solliciter d’une aussi honnête personne de se dégager de ses liens avec les deux autres puissances pour négocier séparément avec la Russie et la Prusse. Celle de Drouyn de Lhuys, amère, irritée, provocante, reproduisant sous une forme à peine un peu éteinte les récriminations du prince Napoléon naguère désavouées : « Le soulèvement polonais répond à ce qu’il y a de plus élevé dans le cœur des hommes : idées de pairie et de religion. Il ne saurait souscrire ni aux conditions offertes par le cabinet de Pétersbourg ni aux considérations par lesquelles il les défend. En suivant les voies où elle est entrée, la Russie s’éloigne autant d’une sage politique que des stipulations des traités. Il lui a plu de repousser les ouvertures des gouvernemens et de contester leur compétence en revendiquant l’indépendance absolue de ses résolutions et le plein exercice de sa souveraineté. Elle nous rend l’entière liberté de nos mouvemens et nous ne pouvons moins faire que d’en prendre acte (31 août 1863). »

Ce langage sentait la poudre. Si la Russie répondait sur le même ton, et elle était parfaitement en droit de le faire, la guerre devenait inévitable. Le Tsar en eut la tentation : son armée était forte de plus de 400 000 hommes, elle allait s’accroître d’une nouvelle levée de 150 000 hommes ; mais l’attitude équivoque de l’Autriche lui rendait nécessaire l’alliance prussienne. Il la demanda par une lettre autographe au roi Guillaume.

Bismarck a expliqué plus tard son refus d’adhérer à la requête du Tsar par son dessein de résoudre la question allemande avec