Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est ainsi que s’est perpétuée la coutume de faire bénir le cheval, dans l’église de la contrada, avant de l’envoyer au Campo, pratique puérile à certains égards, mais attestant la croyance naïve du peuple dans l’intervention surnaturelle de ses saints patrons, acte de foi simple et touchant analogue à celui qui sollicite, en certains lieux privilégiés, la guérison des maladies incurables. Pour assister à cette curieuse cérémonie, nous avons choisi, quelques amis et moi, la contrada de Valmontone, par la raison qu’elle possède le meilleur cheval du lot des courans.

L’église du Montone est placée sous l’invocation de San Leonardo. Elle s’élève presque à l’extrémité d’une des branches de l’étoile marine, non loin de la porte romaine, sur une petite place généralement déserte dominée d’un côté par des jardins suspendus, au-dessous du sanctuaire des Servi di Maria auquel on accède par un chemin tournant et escarpé. Comme j’interrogeais des enfans pour savoir si c’était bien là que le cheval serait béni, un homme de forte corpulence, moitié homme du peuple, moitié bourgeois, s’approcha de nous et nous demanda si nous étions venus pour la funzione. Sur notre réponse affirmative : » Le moment n’est pas encore venu, dit-il, mais faites-moi le plaisir d’entrer par ici. » Et fort courtoisement il nous introduisit dans la maison contiguë à l’église encore fermée ; la première pièce dans laquelle nous entrâmes, servait d’antichambre à la sacristie, très pauvrement meublées l’une et l’autre, mais d’une grande propreté. Un inconnu battait impitoyablement du tambour dans une chambre voisine ; notre homme nous expliqua que c’était pour habituer le cheval très nerveux au bruit de la place. Puis, il nous montra, des pancartes accrochées au mur, témoignages des victoires remportées au Campo depuis deux cent cinquante uns, pas bien nombreuses ces victoires, et de plus en plus espacées à mesure qu’on approche du temps présent. La dernière remonte à 1879. Un vieux palio, aux couleurs effacées, porte la date de 1781 et le nom du lauréat : Begnamino.

« Giacinta, fait notre hôte, au moment où une femme de trente-cinq à quarante ans, à la physionomie ouverte, paraissait sur le seuil, voilà des messieurs qui désirent voir l’église. » Et aussitôt Giacinta de nous faire accueil et de nous introduire, par la sacristie, dans une pauvre petite église encore déserte, une véritable église de campagne, n’était, sous la corniche, une suite d’écussons flamboyans, aux armes des protecteurs de la contrada.