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LA MORALE SOCIALISTE

Les socialistes, dit Bebel, sont dans une « mue perpétuelle, » aussi est-il encore plus difficile de fixer leurs idées morales que leurs idées sociales. Il y a d’ailleurs dans le socialisme des survivances, et il y a aussi des mouvemens nouveaux ; ce sont ces derniers qui importent et que nous essaierons de saisir. Avant tout, il faut se garder de confondre le socialisme idéaliste avec le socialisme matérialiste. Ce dernier, on s’en souvient, n’espère rien moins que substituer la science économique à la morale, devenue inutile[1]. Au contraire, le mérite du socialisme idéaliste, c’est de reconnaître que l’idéal social sera toujours supérieur au réel et que, pour le réaliser progressivement, il faudra toujours faire appel à la moralité des individus.

Selon le socialisme idéaliste, la morale n’est autre chose que l’ensemble des conditions nécessaires au maintien et au développement de la société humaine, des conditions se résument dans le mot que, dès le commencement du siècle, les socialistes français mirent en honneur : solidarité. Auguste Comte avait d’avance formulé la morale non seulement « sociologique, » mais socialiste, dans le précepte : vivre en autrui et pour autrui. De la solidarité ; qui mêle ainsi la vie de l’un avec la vie de tous, la justice sociale n’était, à ses yeux, que l’application. Selon Malon, le principe moral doit être cherché en dehors de tout système métaphysique ou religieux, dans l’humanité seule cause de la morale, l’humanité en est aussi la seule fin[2]. Dans la traduction de la Quintessence du socialisme de Schæffle, Malon a dit :

  1. Voyez, dans la Revue du 1er août 1900, notre étude intitulée : La Question morale est-elle une question sociale
  2. Morale sociale. Paris. Alcan, 1885, p. 199.