Jeudi 17 août. — J’aurais désiré revoir mes amis de Valmontone, leur exprimer ma sympathie dans leur déconvenue, dire adieu à la piccina et à sa mère. Hélas ! ce matin, autour de la petite église, tout était solitude et silence, les portes fermées, les fenêtres closes. On eût dit qu’un deuil récent avait frappé ce coin de Sienne. Dans une boutique ouverte, à quelque distance, j’avisai un savetier qui enfonçait des clous dans un morceau de cuir. À mes questions discrètes, il répondit sans interrompre son labeur : « Nous avions un bon cheval, nous n’avons pas ménagé l’argent et, pourtant, nous avons été battus. Il faut prendre patience. »
Ce qu’il ne me confiait pas, c’est qu’un menuisier de la contrada avait été assiégé la veille dans sa maison par ses propres contradaioli, qu’il avait été frappé et qu’en se défendant il avait fendu le crâne d’un de ses agresseurs. Il paraît avéré que c’est lui qui a vendu la contrada, à beaux deniers comptans, et assuré ainsi la victoire de la Lupa.
En arrivant à la Loggia del casino de Nobili, je croisai la comparsa de la Lupa qui se rendait au Dôme pour y déposer solennellement le palio conquis la veille. Les figurans étaient tous présens, mais en habits de ville. Les alfieri n’en faisaient pas moins voltiger leurs drapeaux, quoique avec quelque nonchalance. Les pages distribuaient un sonnet en l’honneur de « l’héroïque et valeureux » fantino Angiolo Volpi, dit le Bellino, des vers non moins héroïques où la « géniale bannière » rimait avec la « louve austère. » Le cheval suivait, les sabots dorés.
Vendredi 18 août. — Le palais de la Belle au Bois Dormant est retombé en léthargie. Il n’en sortira qu’au mois de juillet prochain. Sienne dort. « On eût dit un ange, tant elle était belle, car… »