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ni sur les itinéraires classiques, ni sur la Table de Peutinger, ni dans la Notice des Provinces. Ce qu’il y a d’intéressant et qui peut permettre de lui attribuer une existence réellement ancienne, ce sont de nombreux vestiges d’une vieille chaussée pavée qui suivait la rive de la Rance et conduisait à Aletum, que tout le monde est d’accord pour identifier avec Saint-Servan. A défaut de ruines authentiques de l’Empire, Dinan a conservé de merveilleux restes de son ancienne muraille du moyen âge, flanquée de quinze tours, couronnées de mâchicoulis et enguirlandées de lierre, qui dominent le cours de la rivière et sa vallée verdoyante et boisée. Le port est insignifiant ; son mouvement commercial atteint à peine 3 000 tonnes.

Deux petites escales encore entre Dinan et la mer : la Richardais et Saint-Suliac ; elles ont encore moins d’importance commerciale que Dinan et ne sont à mentionner que pour la grâce et la richesse du pays qui les environne.

Le petit fleuve de la Rance a, dans sa partie inférieure, presque la largeur d’un bras de mer. Entre Saint-Servan et Dinard, c’est une véritable rade, et il n’a pas moins d’un kilomètre de rive à rive aux plus basses eaux. A l’origine de notre ère, il se prolongeait beaucoup plus en mer ; et le port de l’embouchure était peut-être l’île Harbour, dont le nom Harbour signifie port en anglais, aujourd’hui noyée dans la baie, à près de deux kilomètres au-devant des centaines de villas, de chalets et d’hôtels de tous les styles qui couvrent la colline mondaine de Saint-Enogat. Bien qu’il soit assez difficile de préciser des dates et des distances sur un littoral qui a éprouvé tant de changemens, on ne saurait douter qu’à l’aube des temps historiques, et même seulement à l’origine de notre ère, presque tout l’archipel rocheux, noyé dans la baie de Saint-Malo, ne fût soudé au continent. La Rance se divisait alors en deux bras séparés par une longue arête que dessine encore la ligne presque continue d’écueils en partie noyés dont le massif granitique de Harbour, « insularisé » depuis, formait à peu près le point culminant et qui se prolongeait jusqu’au plateau sous-marin des Banquetiers. Le bras du Nord était le plus important ; il longeait les îlots du Grand et du Petit-Bey, des Ouvras, du Jardin, des Herbiers, des Pierres-Garnier, et se terminait à l’îlot des Portes, qui était le musoir extrême sur la rive droite de l’embouchure. L’île de Cézembre, la Petite et la Grande-Conchée étaient à la limite même du littoral, et toute la