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une douzaine de siècles au moins. D’après les nombreux débris qui en restent, on peut reconnaître qu’elle avait près de 6 kilomètres de développement. Elle partait d’Eculleville un peu à l’Est de l’anse de Saint-Martin et se terminait à Herqueville au Sud du Nez de Jobourg, reliant par conséquent les deux sections de la Manche situées l'une à l’Est, l’autre au Sud du cap de la Hague. Elle isolait ainsi complètement toute la côte Nord-Ouest de la presqu’île du Cotentin et en faisait un véritable camp retranché de près de 60 kilomètres carrés. C’était un excellent lieu de refuge, un des plus remarquables de ces postes d’observation, de vigie et de retraite que l’on rencontre quelquefois sur nos côtes, auxquels on donnait le nom d’exploratoria et qui semblent avoir été établis principalement en vue de surveiller les descentes des pirates saxons[1].


XI

Quelle que soit l’ancienneté de Cherbourg, sur laquelle il est difficile d’être parfaitement fixé, son importance sérieuse ne date en réalité que du jour où Vauban, par un coup de génie, l’a désigné, à l’exclusion de tout autre point de nos côtes, pour devenir le port de refuge, le centre d’armement, et le bastion avancé de notre frontière maritime sur la Manche. Le terrible désastre de la Hougue avait démontré la nécessité de posséder quelque part sur les côtes de la presqu’île une rade qui permît de mettre toutes nos flottes de combat à l’abri du mauvais temps et de l’ennemi, et d’être en même temps le point d’appui pour l’essor d’une expédition. Cette rade n’existait nulle part ; il fallait la créer de toutes pièces et la conquérir sur la mer. Vauban eut d’abord l’idée d’enraciner deux digues, l’une de 400 mètres la pointe du Homet, qui marque la saillie du port militaire moderne, l’autre, de 1 200 mètres, à l’île Pelée, qui constitue, à près de 1 500 mètres au large, au-devant du port des Flamands actuel, un écran protecteur contre les vents du large. Les deux digues, courant au-devant l’une de l’autre, auraient ainsi laissé entre elles une large passe de 1800 mètres. Si ce projet avait été exécuté, le mouillage abrité aurait été réduit à la petite rade actuelle ; les grands fonds auraient été à l’extérieur des digues,

  1. De Gerville, Recherches sur la Hague-Dicke. Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, 1831.