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ou un but précis, et sont beaucoup plus propres à désorganiser qu’à constituer un parti. Parmi toutes les définitions qui en ont été données, nous relèverons celle de M. Asquith dans son discours au banquet du 19 juillet. Non pas que M. Asquith se soit qualifié lui-même de libéral impérialiste ; loin de là ! il a protesté qu’il ne l’avait jamais fait. « Le nom de libéral, a-t-il dit, est assez long, assez bon et assez significatif ; il me suffira toujours. » Toutefois, s’il est vrai que l’impérialisme soit surtout une tendance, il a bien semblé, dans ces derniers temps, que M. Asquith y cédait quelque peu. Mais enfin, qu’est-ce que l’impérialisme, ou plutôt qu’est-ce que l’empire lui-même ? Le mot, de l’aveu de M. Asquith, « signifie différentes choses dans différentes bouches et pour différentes oreilles. » Quant à lui, il estime que l’empire doit avoir pour tous les libéraux cette signification, que, « malgré tous ses défauts et toutes ses imperfections, malgré ses points faibles et ses taches noires, c’est la plus grande et la plus heureuse expérience que le monde ait encore vue dans le sens de l’union intime de communautés libres et se gouvernant elles-mêmes. » En vérité, l’empire n’est-il pas autre chose dans la pensée des impérialistes ? S’il n’était que cela, tout le monde serait bientôt d’accord. Qui pourrait condamner et repousser une conception aussi noble, un idéal aussi généreux ? Assurément, ce ne seraient ni M. John Morley, ni M. James Bryce, m sir William Harcourt, ni aucun des libéraux qui se sont le plus énergiquement prononcés contre la guerre du Transvaal et contre ses conséquences. Mais que vaut la définition de M. Asquith, si elle semble ignorer précisément cette guerre du Transvaal qui a donné à l’impérialisme, dans l’Angleterre tout entière, un élan si prodigieux, et si elle ne s’y applique en aucune façon ? Est-il vrai, oui ou non, que, dans la conscience de tous les Anglais comme dans celle du reste du monde, la guerre sud-africaine ait été la plus remarquable, la plus éclatante, la plus aveuglante manifestation d’impérialisme qu’on ait encore vue ? Oui, sans nul doute. Et alors nous demanderons à M. Asquith si cette guerre a vraiment pour objet de faire avancer l’empire « dans le sens de l’union intime de communautés libres et se gouvernant elles-mêmes. » Non certainement. Nous ne pouvons juger l’impérialisme que par ses résultats, et ceux qu’il produit en ce moment au Sud de l’Afrique ne sont autre chose que la suppression, par la force, d’une nationalité libre et se gouvernant elle-même, qui a toujours été digne d’intérêt et que son héroïsme a rendue digne d’admiration. On l’écrase dans le sang, on l’étouffé dans la fumée des fermes incendiées, sans droit, contre tout droit : voilà comment