la foule l’applaudissait avec fureur. Arrivée chez Monsieur, Mademoiselle trouva un homme tout hérissé, dont le premier mot fut qu’il n’avait pas de comptes à lui rendre. Elle prit la mouche, et ils se dirent leurs vérités. Gaston lui reprochait son intempérance de conduite et sa manie de se mettre en avant, il l’accusait de l’avoir compromis pour le plaisir de « faire l’héroïne ; » elle, de son côté, en avait gros sur le cœur contre les gens qui ne donnent jamais d’ordres par écrit, parce que cela gêne ensuite pour désavouer. Lorsqu’ils se furent soulagés, Mademoiselle demanda tout à coup à venir habiter au Luxembourg : « — Il me répondit : « Je n’ai point de logement. » Je lui dis : « Il n’y a personne céans qui ne me quitte le sien, et je pense que personne n’a plus de droit d’y loger que moi. » Il me repartit aigrement : « Tous ceux qui y logent nie sont nécessaires, et n’en délogeront pas. » Je lui dis : « Puisque son Altesse Royale ne le veut point, je m’en vais loger à l’hôtel de Condé, où il n’y a personne. — Je ne le veux pas. — On voulez-vous donc, Monsieur, que j’aille ? — Où vous voudrez ; » et s’en alla. »
Le lendemain de cette scène, tous les principaux de la Fronde s’envolèrent sur un mot du roi. Les routes se couvrirent de grands seigneurs en pénitence et d’héroïnes en disponibilité, idoles de la veille que Paris chansonnait déjà. Monsieur était parti avant l’aube,
- Avec une vitesse extrême,
- Mademoiselle son ainée
- Disparut la même journée[1].
Elle s’était encore cachée, mais la peur l’avait prise en recevant un billet anonyme, deux billets, vingt billets, « d’écritures différentes, » et lui disant tous qu’on allait l’arrêter. Sans prendre le temps de rechercher d’où venaient ces avis, sans vouloir écouter son fidèle Préfontaine, qui lui prêchait le sang-froid, la Grande Mademoiselle, effarée, hors d’elle, oubliant le soin de sa gloire et perdant toute dignité, criant après ses gens qui la retardaient, s’enfuit honteusement de Paris dans un carrosse sans armes et avec un cocher sans livrée. Elle ne respira que lorsqu’elle eut perdu la ville de vue, et, encore, chaque cavalier,
- ↑ La Muse historique de Loret.